24 janvier 2019
Parole de schmitt

Avec un suicide tous les deux jours depuis le 1er janvier 2019, les forces de l’ordre souffrent, elles-aussi. Loin des bavures dénoncées par le journaliste indépendant, David Dufresne qui, dès le 6 décembre 2018, a ouvert son fil Twitter aux signalements à la Place Beauvau avec vidéos à l’appui, les policiers commencent à parler. Ainsi, Alexandre Langlois, Secrétaire général du syndicat VIGI Police balance-t’il sur Thinkerview le 22 janvier dernier- voir vidéo: « Il y a un sacré souci dans la police ». Circulez y’a rien à voir, la Place Beauvau d’après lui serait mouillée, c’est le cas de le dire dans de nombreuses affaires comme pour cette policière qui s’est noyée dans la Seine lors d’un exercice, repêchée des mois après tandis que le touriste italien qui souhaitait témoigner a du s’y reprendre à cinq reprises pour pouvoir déposer plainte dans un commissariat, les quatre premiers ayant refusé de la prendre. Avec deux heures d’attente en moyenne dans les commissariats parisiens que l’on ne peut plus joindre autrement qu’en payant six centimes d’euros la minute au 3430, c’est devenu en effet ubuesque de déposer une main courante ou une plainte ; la grève du zèle est ainsi de mise, avec comme dans le commissariat flambant neuf du 13 ème arrondissement, le risque d’être traité d »alcoolisé »-un grand classique pour vous désarçonner- ou pire d’être accusé de produire un faux et menacé de garde à vue-là c’est du vécu par un de nos contributeurs qui s’est vu raccompagné manu militari sous l’invective de deux policières « Vous mettrez ça dans votre article ». Dont acte.

Brebis galeuses

Alors, policiers, CRS, les nouveaux monstres? Le ressenti est clair au sein des manifestants: la plupart sont à jamais traumatisés par ce qu’ils ont vu ou vécu, avec la peur qui a changé de camp.« Désormais, c’est des représentants de l’ordre que j’ai peur » nous a ainsi confié Olivier, haut fonctionnaire, neuf manifs à son actif- il a raté l’Acte IX, effrayé par les déclarations de Christophe Castaner galvanisant ses troupes le vendredi 11 janvier. « Quand la police est sur les dents, la République fout le camp! », quatre ans après l’état d’urgence et ses milliers de gardes à vue, ses fichages S et les procédures de maintien administratif à domicile pendant la COP21, sans compter les bavures lire notre témoignage, revoilà de bien heures sombres à voir les baqueux, lesquels n’ont aucune formation sur les MPO (maintien préventif de l’ordre), visant les têtes avec leur flashball- ce qui est illégal-comme JimlePariser a pu le vérifier le 15 décembre dernier, faisant au passage un signalement à l’IGPN pour cette baqueuse ayant eu la mauvaise idée de mettre une parka violette ce qui la rendait très reconnaissable; ou les CRS qui, comme l’a montré l’équipe d’Envoyé Spécial du 13 décembre scandaient à chaque flashball « a voté » ou tabassent une vieille femme GJ à un arrêt de tramway lors de l’Acte IX. Quant au LBD, malgré son viseur laser précis à 14 cm près comme l’a appris au Pariser, Antoine Champagne- voir son reportage photo  samedi 19 janvier, leur utilisation est soumise à une simple formation tous les trois ans, avec en tout en pour tout cinq balles tirées d’affilée, le tout en salle comme l’affirme Alexandre Langlois, lequel ignore s’il sera encore policier après son prochain passage en conseil de discipline… Il revient également sur l’absence de sortie- là encore, c’est illégal- lorsque les manifestants sont « nassés » comme sur la place des Champs Elysées le 8 décembre 2018. Rajoutons que les matraques métalliques utilisées à l’envi, sont elles aussi utilisées en violation à la loi comme nous l’a précisé un CRS posté devant le domicile de Jacques Chirac, enfin au « repos » après huit samedis sur les manifs.

 Gédéon, OPJ, gilet jaune sur les rond-points le we

Si l’on parle beaucoup des forces de l’ordre, revenons maintenant aux gardiens de la paix. A une centaine de km de Paris, Gaspard et Gédéon travaillent dans le même bureau;  le premier est en pré-retraite après 40 ans de métier, l’autre, OPJ, officier de police judiciaire. Ils parlent tous deux d’un tournant il y a une quinzaine d’années dans leur métier. « On a commencé à discréditer notre profession et à surprotéger les délinquants ». Tous deux décrivent les tonnes de documents qu’ils tapent pour aboutir à des simples rappels à la loi, les délais d’attente qui s’allongent entre l’arrivée de l’avocat commis d’office pour les interpellés, la réponse du procureur sursollicité pour les déférer et la réduction des effectifs. « 21 millions d’heures sup n’ont jamais été payées et ce n’est pas l’effet d’annonce de Christophe Castaner en décembre dernier après notre journée porte fermées des commissariats qui va changer la donne, au mieux on sera payé en 2020 » ; le matériel est lui à l’avenant: souvent obsolète même si « c’est un mensonge de dire que les policiers doivent se payer eux-mêmes leur équipements », Gédéon rajoutant que « ceux qui veulent se déguiser en ninja, c’est normal qu’ils payent avec leur propre argent ». Tous deux sont d’accord sur un point: « Avant, le policier était, avant de le devenir, issu de la société civile. Il savait ce que pouvait être la souffrance de celui qu’il interpelle  mais désormais, les stagiaires sont lancés dans le métier sans aucun recul, avec un simple SMIC ». Les suicides?  » C’est surtout un problème d’entourage familial. Si tu as souffert toute la journée au boulot et qu’en plus quand tu rentres tu es tout seul ou que ta femme te fait la gueule, ça peut arriver nous arriver à tous comme ce copain CRS que j’ai vu mettre son arme dans sa bouche et que k’ai reussi à arrêter. Aujourd’hui, il est remarié et me bénit de l’avoir stoppé » conclut Gaspard. Pour autant, cela justifie-t’il certains comportements comme cette vidéo mis en ligne ce 22 janvier sur internet où, à Boissy Saint Leger, on voit une prévenue, menottée et trainée à terre, les fesses et le sexe offert aux yeux de tous? « Si je pouvais changer de métier, je le ferai » concluait en décembre dernier Gédéon. Tout comme sans doute les 3000 journalistes qui sur 23 000 détenteurs de la carte de presse ont cette année jeté l’éponge, entre fiches de paye dérisoires et opprobre nationale, avec cette idée que leur métier est chaque jour qui passe un peu plus dévalorisé.

Par la rédaction

 

 

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