30 janvier 2012
Pandas et dragons

Il y a quinze jours, deux Pandas décollaient du Sichuan en avion privé pour être reçus en France comme le symbole de la douceur, de l’amitié et de la paix. Alors que l’avion se posait sur le sol français, on apprenait que la police chinoise tirait à balles réelles sur des manifestants dans cette province que ces deux boules de poils venaient à peine de quitter.

Sous l’oeil et la plume bienveillante des quelques 100 journalistes qui relatèrent l’évènement -comprendre l’atterrissage d’un avion aux couleurs du panda et du logo d’un leader du transport express mondial, officiels et analystes se retrouvaient pour célébrer leur arrivée comme un «événement diplomatique» majeur, signe fort du réchauffement des relations chaleureuses entre nos deux pays. Mais, au regard de la répression violente et continue qui s’est abattue depuis quelques mois sur les opposants, dissidents et autres simples paysans victimes d’abus et d’expropriation, ne faut il pas regarder cette arrivée avec un regard qui dépasse un peu l’attrait que ces charmantes peluches vivantes suscitent chez tout un chacun ?

La diplomatie du panda 

La diplomatie du Panda, qui débute sous la dynastie des Tang  lorsque l’impératrice Wu Zetian (625-705) fit don à l’empereur du Japon d’un de ces ours en noir et blanc, est considérée comme le thermomètre des relations de la Chine avec ses partenaires. La décision de «prêter» un panda, considéré en Chine comme «trésor national», est prise par le plus haut dignitaire de l’état -de nos temps, le secrétaire général du parti communiste lequel a remplacé l’empereur. Il s’agit ainsi de respecter tant les codes chinois du cadeau que de satisfaire aux exigences de la diplomatie sachant qu’en Chine, un cadeau engage autant celui qui le reçoit que celui qui le donne- la corruption et les petits cadeaux aux décisionnaires fonctionnent également sur ce principe. On se souvient des pandas envoyés en Amérique en 1972 suite à la venue du couple Nixon en Chine. Il faut donc que les relations soient au beau fixe pour qu’un tel acte intervienne pour que chacun de ces « prêts » soit considéré comme porteur de sens.

In Yuan we trust

Lourd de symbole, le timing de ces arrivées surmédiatisées -en décembre dernier le zoo d’Edimbourg reçu aussi un couple de pandas venant de Chine, tombe à point nommé au moment où la zone Euro connaît sa crise la plus grave et où, fort d’un trésor de guerre conséquent -faut il encore rappeler que les réserves en devises de la Chine caracolent autour des 3 trilliards de dollars, les investissements chinois apparaissent comme une bouée de sauvetage pour nos économies étranglées par la dette. Un mois après l’arrivée des pandas en Ecosse, le fond d’investissement chinois China Investment Corporation prenait près de 9% des actions de  Thames, le plus important fournisseur d’eau au Royaume-Uni et annonçait de possibles autres investissements prochains. En décembre, China Three Gorges, l’exploitant du plus grand barrage du monde, le barrage des trois gorges, remportait pour 2,7 milliards d’euros près de 23% du fournisseur d’électricité portugais Energias de Portugal (EDP); sans oublier les nombreux contrats sino-grecs, signés ou annoncés, qui font suite au rachat à forte valeur symbolique du port du Pirée par le géant maritime chinois Cosco en 2009 pour la bagatelle de 3,3 milliards de dollars.

La Chine, profitant d’une croissance insolente et d’un trésor de guerre conséquent, se comporte, économiquement parlant, comme n’importe quelle grande puissance cherchant à développer sa zone d’influence et les profits qui y sont liés. En bons commerçants, on peut s’attendre à ce que les investisseurs chinois fassent leur marché dans les dénationalisations à venir et apportent ainsi à l’économie européenne une possibilité de réduire conséquemment le montant de sa dette. C’est également pour la Chine un excellent moyen pour diversifier son portefeuille d’actifs en se séparant de dollars devenus encombrants et ainsi, par les bénéfices et contrats liés à ces investissements, soutenir son économie intérieure au moment ou tous les indicateurs -immobilier, manufacturier, investissements étrangers commencent à montrer des signes évidents de ralentissement. De quoi, en cette nouvelle année chinoise, inviter le dragon à notre table même s’il n’est peut être pas aussi porteur de félicité que l’astrologie chinoise pourrait nous le suggérer…

Par Matthieu Emmanuel

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