10 avril 2014
Otello, le retour de Bartoli sur scène fait trois victimes

OTELLO -

Plus de vingt ans qu’elle n’avait pas chanté sur scène dans un opéra à Paris. Cécilia est Desdèmone pour ce grand retour dans l’Otello de Rossini, séduisant sans réserve le public et les critiques. Lesquels ont été en revanche sans pitié pour le chef d’orchestre Jean Christophe Spinosi; le tandem Patrice Caurier et Moshe Leiser n’a pas manqué d’être également égratigné pour une mise en scène qui, il est vrai, ne laissera pas un souvenir inoubliable.

Reine d’une école du bel canto devenue trop rare où la virtuosité se met toujours au service de l’émotion et de la vérité dramatique, la diva italienne sert pourtant Rossini comme nulle autre – c’est d’ailleurs le compositeur qui, avec Mozart, a contribué à la révéler au public, bien avant ses Vivaldi qui firent d’elle la star que l’on sait ayant même les honneurs du 20 heures de France 2.
A défaut d’être aussi prenant et fidèle que l’opéra de Verdi – même si le célèbre Giuseppe vouait une vénération intimidée à son aîné – l’ouvrage de Rossini réserve de belles envolées vocales, avec pas moins de trois ténors  rivalisant d’aigus pour les personnages principaux : John Osborn, plus sombre, miné de jalousie dans le rôle-titre, Edgardo Rocha d’une rare agilité en Rodrigo, le rival, et Barry Banks, sournois Iago comme il se doit. Et puis, il y a cet air du saule, imaginé pour cette production accompagné d’un tourne disque, pour un effet superbe.

Racisme et jalousie

En recadrant l’histoire shakespearienne dans l’Italie des années soixante, Patrice Caurier et Moshe Leiser, duo injustement boudé par les scènes françaises, à l’exception de l’opéra de Nantes et Angers, livrent une mise en scène qui souligne le racisme sous–jacent qui scelle le destin du maure Otello et offre à la Bartoli un numéro de choix comme cette bête de scène les affectionne. Goût qu’elle partage avec le chef Jean-Christophe Spinosi, toujours prêt à mettre son électrique énergie au service du théâtre, s’attirant par la même les foudres des puristes. Sacha Guitry disait que plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui; voilà qui ne risque pas de lui arriver…Et c’est tant mieux: l’opéra demande à être sans cesse réinventé, n’en déplaise aux bourgeois parisiens; Cécilia, elle l’a bien compris.
LM

Otello de Rossini, au TCE jusqu’au 17 avril

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