20 octobre 2012
Oh Viol!

Il arrive que l’artiste agisse en sociologue de sa propre époque. Trois livres sont ainsi sortis dans cette foisonnante rentrée littéraire traitant du viol avec cette idée que la dénonciation, puis  le processus judiciaire qui s’ensuivait n’étaient pas la seule réponse. Ni la plus opportune. Ainsi dans « Oh… » de Patrick Modiano, écrit à la première personne, il n’y aura pas de dépôt de plainte, pas plus que pour Christine Angot, au père incestueux dans Une semaine de vacances ou encore Margaux Fragoso dans Tigre!Tigre! De quoi surprendre les lecteurs ou commentateurs tout comme le résultat du procès dit des tournantes où la plupart des prévenus ont été relaxés. Nos sociétés auraient-elles tendance à ne pas pouvoir juger de ces crimes? Revivre une deuxième fois devant des jurés l’agression, devoir subir toutes sortes d’examens sans savoir si cela sera entendu et puni, voilà qui a pourtant de quoi en décourager plus d’une.

Un procès qui arrive trop tard

Les deux victimes, Nina et Aurélie étaient venues devant la Cour d’Assise chercher un nom, une identité, afin de plus être ce que leurs violeurs appelaient en 2006 juste « les deux plus grosses putes de Fontenay», devenu la semaine dernière à l’issue de trois semaines à huis clos à Créteil, «Grosse vache, tu crois que je t’ai violée ?» Treize ans après les faits, Laure Heinich-Luijer, l’avocate de Nina explique: « Elle a 29 ans sur sa carte d’identité. Mais elle est morte à 16 ans. Puis s’est recouverte de 120 kilos pour s’enterrer. Elle est morte violée dans une tour, puis dans un escalier, dans des appartements, des box, des caves et même sur des jeux d’enfants. Elle a été brûlée par une cigarette, frappée, les types faisaient la queue pour se faire sucer. Parfois, il y avait tellement de monde qu’ils disent avoir renoncé. Mais toutes ces fois-là, selon eux, elle aurait «aimé» ».  Ajoutant que le procès a été un fiasco car « personne ne parle comme Christine Angot écrit ». Le viol, c’est «quelqu’un en train de mourir» lit-on dans Une semaine de vacances. Ainsi les accusés ont-ils dit avoir «butée» leurs victimes pendant les auditions. La défense, quant à elle, a souligné que «quand on est violée, on ne réagit pas comme ça»; la mémoire qui sélectionne sans doute pour ne pas sombrer mais qui est vu comme mensongère dès qu’elle se fait défaillante ont fait le reste. Dix prévenus ont été relâchés, les autres condamnés à des peines « légères » et les victimes sont devenues les coupables, avec la jeune Aurélie qui dit regretter aujourd’hui d’avoir porté plainte. Le procès, réparateur pour les victimes? Plutôt destructeur en l’état…

 

Par Laetitia Monsacré

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