12 janvier 2013

Ce soir, je me suis aperçue qu’une partie de mon quartier n’a pas été « dénoëlisée ». En effet, une bonne partie de l’avenue de Saint-Ouen brille toujours de mille feux en ce 8 janvier !
Et les économies d’énergie pour sauver la planète ? Je vais peut-être sembler égoïste ou inconsciente mais aujourd’hui, j’en ai particulièrement marre de ces leçons de bonne morale version « sens-toi coupable » à deux euros cinq centimes.
Dès ce matin, en arrivant au travail, j’ai ouvert comme d’habitude ma messagerie professionnelle : cinquante mails reçus en une nuit. Le premier, celui d’un sombre éditeur qui envoyait en pièce jointe un diaporama. Malheureusement, j’ai la main droite atteinte de pavlovite aigue. Elle n’obéit plus à mon cerveau qui lui hurlait : « Non !!!  N’ouvre pas cette pièce jointe ! C’est un piège ! ». J’avais effectivement vu le message qu’il est très tendance d’ajouter à sa signature. La fameuse prière écrite en vert sur fond blanc (un raccourci symbolique primaire des couleurs de l’arbre et du papier ?), celle où l’on explique que si tu imprimes ce mail, même une seule fois, tu condamnes un séquoia. Un petit clic sur l’icône de l’imprimante, la tronçonneuse démarre à la seconde même. Sans oublier les petits koalas qui vivent dans les branches. Ils tombent et les méchants trafiquants de peaux de bêtes les attrapent au vol avec des filets à crevettes. Je sais, les koalas ne squattent que les eucalyptus. J’exagère car le slogan tient dans une courte phrase : « Pour le respect de la planète, n’imprimez ce mail que si nécessaire ». Mais la répétition est parfois source d’exaspération.
Donc, pour reprendre le cours de ma pensée, la pièce jointe intitulée « Lettre écrite en 2070 »m’avait déjà été envoyée une fois et ce diaporama d’une durée incroyable est tout simplement ignoble. Il s’agit d’une extrapolation sordide de ce que pourrait devenir la terre sans eau et en particulier de l’aspect que prendraient les être humains et comment ils vivraient. On se croirait chez des recruteurs de l’Eglise de scientologie ! Impossible de mettre fin à ce bouzin ! Pas trop grave, je n’avais pas encore joué à la machine à café. Je dis bien « joué » car obtenir un gobelet, du sucre, du café et une touillette est aussi aléatoire que de gagner à l’Euro-Millions. Tout comme le périple que je dois accomplir pour m’accorder ce répit en fumant une cigarette. Là encore, ma patience est mise à rude épreuve. Prendre une cigarette entre « Fumer tue » et « La fumée contient du benzène, des nitrosamines, du formaldéhyde et du cyanure d’hydrogène ». Ah bon ? Je croyais que fumer rendait moins con ! S’en suit la traversée de l’étage pour aller prendre l’ascenseur. Descendre du deuxième, prendre son breuvage, traverser l’accueil puis sortir sur le trottoir où un gros cendrier a été rivé au sol ! On dirait un brasero sur un chantier : il y a toujours deux ou trois personnes autour, en train de cloper nerveusement, en levant parfois furtivement la tête vers les fenêtres des étages, comme pris en faute. Les regards réprobateurs commencent à apparaître. Ben oui, là où je prenais dix minutes, il m’en faut vingt maintenant. Alors même que nous avions un petit fumoir abrité avec vue sur le Sacré-Cœur ! A ce rythme là et pour un combat tout aussi louable que de stopper la propagation des microbes, il va être interdit de se moucher ou d’éternuer en public sous peine d’amende ! Défendre certaines de ces causes est essentiel sans pour autant sombrer dans cette franche intolérance.
Parce que, dès demain, je pourrais imprimer successivement l’intégrale de la Comédie Humaine ainsi que La Recherche du temps perdu. Puis aller m’acheter des pantoufles en peau de koala en enfumant allègrement tous les endroits où je passerai ! Et pour finir, cerise sur le gâteau : afin de contribuer à l’agrandissement du trou de la couche d’ozone, faire circuler une pétition « NON A LA DENOELISATION DE L’AVENUE DE SAINT OUEN »

Par Nathalie Cordier

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