De Victor Hugo à André Breton, il n’y a qu’un pas ou bien plutôt qu’un…esprit ! Qu’est ce qui rapproche l’auteur des Contemplations à celui de Nadja ? Des tables…tournantes il va s’en dire. Après avoir gravi les marches de l’escalier orné de tableaux d’Honoré Daumier, évoquant le spiritisme, nous voici au cœur de Jersey. 1853, sur la petite île anglo-normande, la famille Hugo, alors en exil, s’adonne à la pratique des « tables parlantes » sous l’impulsion de Delphine de Girardin. Lors de ces soirées, le défunt guide l’impulsion créatrice de l’artiste qui devient alors un intermédiaire. Certains dessins ou productions littéraires auraient été dictés par les tables. En 1933, André Breton, représentant du Surréalisme, dressera avec « Le message automatique » une première anthologie des médiums peintres. Entre ces deux dates, le spiritisme a influencé les œuvres de nombreux artistes tels que Victorien Sardou, Man Ray, ou encore Robert Desnos, et plus récemment Philippe Deloison.
Le défunt : guide et inspirateur
Cette vogue du spiritisme peut s’expliquer très rationnellement (certes un brin paradoxalement) par le besoin spirituel de la société athée et scientiste de la moitié du XIXe siècle. Car autour de ces tables, où se côtoyaient prolétaires, bourgeois et modestes hommes, c’est tout un imaginaire qui se mit en marche. Le parcours se veut riche de découvertes, l’exposition étant organisée en sept thématiques. Ame Soror fut le premier esprit à se manifester le 11 septembre 1853, soit presque dix ans jour pour jour après la mort de Léopoldine, fille tant aimée de Victor Hugo. On apprendra également, grâce aux tableaux d’Auguste Vacquerie et de Charles Hugo, qu’Emile Allix, médecin de Victor Hugo, participait souvent aux séances aux côtés de son patient. Paul Meurice s’y joignit de rares fois. «Je parle à Dieu. Voilà tout ». L’exposition est l’occasion de découvrir dessins et tableaux de Victor Hugo qui, ne l’oublions pas, loin d’être « seulement » un poète et écrivain, fut un artiste polyvalent aux multiples facettes. Les procès verbaux des séances révèlent toute une éclatante poétique : « la vie met un casque au front de l’esprit, la mort lui ôte le casque et lui dit ‘salut l’auréole’ ». On regrette cependant des panneaux explicatifs bien difficiles à comprendre voire incompréhensibles pour certains, et des enregistrements audio assez forts pour susciter une gêne pendant la déambulation mais pas assez audibles pour les entendre lorsqu’on tente d’en percevoir le contenu. La plongée en immersion aurait demandé sans doute plus de clés de compréhension afin de savourer pleinement cette période de foisonnement artistique.
Laura Baudier
Entrée des médiums. Spiritisme et Art d’Hugo à Breton, Maison de Victor Hugo jusqu’au 13 janvier 2013