A première vue, l’idée d’associer robes et tableaux semblaient assez farfelue…encore un truc de conservateur qui veut surfer sur la vague des associations avec un ticket gagnant « Mode/Monet, Manet, Renoir ». Robert Carsen, bien connu dans le milieu du Théâtre et de l’Opéra-il réalise les deux mises en scène àactuellment à l’affiche-les Contes d’Offman, Capriccio- la trouva lui-aussi aussi étrange au départ, lorsque le Musée d’Orsay lui demanda d’en assurer la scénographie. « Puis j’ai été frappé par cette fragilité des tissus qu’avaient si bien captée les impressionnistes et l’énergie qui pouvait naître entre les trois dimensions d’une robe et les deux dimensions d’un tableau. « Le résultat est effectivement une exposition qui marquera, tout comme celle de Marie Antoinette au Grand Palais que Robert Carsen avait déjà scénographiée. On retrouve ici son sens du décor-l’idée des fonds en papiers peints, en référence à la « décoration qui était assez osée à l’époque » fonctionne à merveille, avec à l’arrivée une impression d’évidence, apanage des plus grands. Et à l’image de tous ces peintres ô combien célèbres, Manet, Monet, Degas, Renoir, Morisot qui montrèrent toute cette bonne société de la fin du XIX ème, encore vierge des deux guerres mondiales. Napoléon III règne alors, Haussmann perce dans Paris ses larges boulevards et les dames ont des carnets de bal qui tiennent dans des éventails. Les robes ont des faux culs et il faut domestiques et maris pour les enfiler et se mouvoir. Les grands magasins apparaissent avec une première salle qui leur rend hommage à travers Zola et son « bonheur des Dames », et autres gravures du feu Grand Magasin du Louvre ou du Printemps, ouvert en 1884, avec entre autres ses 2,4 mètres de linéaires de « camisoles », 25 de robes élégantes ou son rayon de parfum où l’on trouve des « extraits pour mouchoirs ». Et si le journal parle déjà de crise-un vrai serpent de mer…- les maisons de couture prolifèrent pour habiller les riches dames qui se font peindre dans leur intimité comme Mme Charpentier et ses filles, magnifique tableau de Renoir, pour la première fois visible en France (il vient du MET de New York) . « La parisienne est plus femme que toutes les autres femmes » écrit Emeline Raymond tandis qu’Arsène Houssaye ajoute qu’« elle n’est pas à la mode, elle est la mode ».
Défilé de chef d’oeuvres
Alors pour cette femme -là qui n’existe plus qu’en peinture, sublime d’élégance comme la comédienne Ellen André en robe noire à traine sous le pinceau d’Edouard Manet, Carsen a imaginé un « catwalk », moquetté de rouge avec un front-row de rêve, Monsieur Charles Baudelaire, Madame la Comtesse de Galliéra, le Comte de Lautréamont, ou encore Monsieur Louis Pasteur. Et comme à cette époque, « on ne sortait pas en cheveux », une salle entière est consacrée aux chapeaux, merveilleusement conservés par le Musée Galliera, accessible par un couloir consacré aux dessous-corsages, corsets, jupons à queue et bas qui semblent jetés à même la vitrine en parfaite résonance avec le tableau d’Henri Gervex, Rolla où une femme nue alanguie avec son amant a abandonné sa lingerie par terre. Le dandy est lui aussi mis en valeur avec des vitrines où des accessoires ont été avec minutie rajoutés comme les malles Vuitton, les flacons Guerlain, autant d’objets nécessaires à cet homme « dont la distinction résidait dans sa simplicité absolue, qui est la meilleur façon de se distinguer » comme l’écrivit Baudelaire-en connaisseur. Apothéose, la dernière salle accueille Le déjeuner sur l’herbe de Monet et toutes ces scènes d’extérieur avec idée géniale, du faux gazon au sol et une extraordinaire hauteur de plafond, jusqu’ici inconnue. C’est en effet ici que débutait généralement les expositions; Carsen a lui choisit d’inverser le sens pour offrir une « cathédrale » à des toiles ô combien célèbres, où le public semble évoluer comme dans un jardin. « Sans lui, il ne se passe rien » conclut Carsen qui procède en ce jour réservé à la presse aux derniers réglages avec une minutie propre à ceux qui savent que le diable se cache dans les détails; ainsi ces airs de piano de César Franck qu’il a réussi à imposer dans la salle où deux femmes peintes par Stevens et Renoir jouent elles- même au piano tandis que la fraicheur de la dernière salle accueillant le déjeuner sur l’herbe et autres scènes d’exterieur, du fait de son absence de plafond, vous donne l’impression d’être effectivement dans un jardin. Du grand art et une délicieuse promenade à vous offrir jusqu’au 20 janvier 2013.
LM
L’Impressionnisme et la Mode au Musée d’Orsay jusqu’au 20 janvier 2013
Rompre avec les habitudes, l’entrée est par la nef centrale
Ambiance tout d’abord Palais Galliera avec robes et accessoires
puis tapis rouge, les tableaux deviennent les stars
Le Portrait de Madame Charpentier et ses enfants dans son petit salon japonais rue de Grenelle par Renoir
Volière de chapeaux avec Degas et Manet tout autour
Robert Carsen devant son tableau préféré dans lequel il se fond comme une évidence…Gustave Caillebotte , Rue de Paris, jour de Pluie, de circonstance vu le temps, ce lundi-là