3 février 2012
Le Paris de jadis

Êtes-vous prêt pour un bond dans le temps de trois siècles en arrière ? Oublier le Paris tel que vous le connaissez aujourd’hui, avec ses grands boulevards et ses bouchons ? Et vous laissez porter par les cris caractéristiques des vendeurs ambulants qui sillonnaient la capitale –porteurs d’eau ou vendeurs de friandises ? Voilà ce que propose l’exposition au Musée Carnavalet, un voyage dans l’histoire du « Peuple de Paris au XIX ème siècle ». Repasseurs de couteaux, empailleurs, blanchisseurs,  autant de noms de métiers disparus, dont les sonorités nous évoquent les souvenirs d’une époque bien lointaine. Celle d’une capitale où les trois-quarts des habitants étaient des ouvriers et où le prolétariat constituait le peuple. Des pauvres aux marginaux en passant par les « petits métiers », cette classe n’en restait pas moins hétérogène face à la diversité de statuts qu’elle comprenait. C’était aussi un Paris communautaire, où l’on retrouvait « toute la France à la capitale ». Les migrants venaient des quatre coins des campagnes pour chercher du travail dans la cité. Soit des petits boulots journaliers ou un travail d’ouvrier –comme en témoigne la lettre raturée, écrite à la plume, d’un jeune maçon à ses parents. Les savoyards chargés de leurs longs balais-brosse devenaient des petits ramoneurs, quant aux auvergnats, ils se sont spécialisés  dans la brocante, mais restent surtout réputés pour avoir tenu des commerces de vente de charbon et de vins. Nommés les « bougnats », ils sont aujourd’hui éparpillés dans Paris à la tête d’enseignes de cafés et de brasseries florissantes.

Des écrits rares

L’explosion démographique qu’a subi la capitale en cette période s’explique plus dans l’afflux des provinciaux que par le taux de natalité. D’autant qu’en 1861, les frontières de la ville se sont élargies à l’enceinte –dite de Thiers- pour passer de 3 441 hectares à 7 802 avec l’annexion des communes limitrophes. Paris n’en est pas moins restée constituée de « petits villages », Belleville se transformant par exemple en cité ouvrière. Une série de photographies apporte la vision d’un quartier populaire et d’une ambiance vivante. Pour le reste, des aquarelles ou des caricatures racontent cette époque où les « témoignages populaires sont rares »– seules les élites étaient capables d’écrire, de transmettre et conserver des observations sur leur période -dans les enquêtes consacrées aux conditions de travail dans les usines, les ouvriers n’ont pas le droit de parole face à celle de leur patron.

Quelques clichés de Charles Nègre, Charles Marville, Léon et Lévi offrent la vision d’un Paris en noir et blanc. Des femmes à genoux sur les lavoirs du Canal Saint Martin, des chiffonniers transportant avec labeur leur sac sur un dos déjà courbé par la fatigue et non par le poids de l’âge, d’une partie de pêche immortalisée sur les bords de la Seine – un dimanche après-midi, jour de repos des travailleurs. Il est écrit que « l’heure à laquelle l’homme a coutume de se lever révèle la place du Parisien dans la stratification sociale ». Au petit jour, pour le peuple. L’auteur Jules Michelet -1798-1874, livrait un regard pertinent sur son époque, celui d’un « sentiment profond pour le peuple, et la pleine connaissance qui est en lui : celle de la vertu du sacrifice ». –

 

Par Sarah Vernhes

 

Exposition « Le peuple de Paris » au musée Carnavalet jusqu’au 26 février 2012.

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