18 octobre 2012
Musée Branly/ Crinières en diable

Jacques Chirac a fait un très beau cadeau à la ville de paris, le Musée Branly. Dieu sait si l’on s’est moqué à l’époque de son amour pour les papous et autres peuples primaires. Six ans après, le Musée offre un ilôt incomparable au coeur de Paris, construit par Jean Nouvel et s’inspirant dans son accès du célèbre Musée Guggenheim de New York. C’est par une large rampe circulaire, en marchant sur des mots volatiles projetés au sol par un rétroprojecteur,  que l’on accède à ses salles magnifiques  aux vitrines oblongues gainés de cuir et cette exposition remarquable à  voir jusqu’au 14 juillet, Cheveux Chéris. Bustes anciens de Louis XVI ou de la Comtesse de Provence, c’est tout d’abord avec la sculpture classique que les cheveux s’inscrivent dans les arts européens. Avec des anglaises, souvent longs, ils nous « révèlent nos arrangements avec nos apparences et nos destins ». Ils peuvent témoigner de la norme ou de la contestation, de la séduction ou la répulsion. Les photographies d’homme rasés, ou de cheveux crépus noués comme des oeuvres d’art côtoient les tableaux des rois de France, chevelus comme ils se doit comme Dagobert ou Childéric. Une statue de Marie Madeleine, la pêcheresse, recouverte de cheveux jusqu’au pieds évoquent cette femme séductrice surtout si elle est blonde comme Bardot.

De Bardot aux têtes tondues..ou réduites

Cette blondeur qui évoque la sainte, la mère, l’ange -à l’image de Suzanne Cloutier par Sam Levin- ou la superficialité, en comparaison à la brune, pragmatique et aventurière. Vous découvrirez avec amusement qu’une coiffure bouffante permettait d’après certaines de mieux courir comme les Bouffant Belles dans l’Amérique des sixties. Enfin voilà les rousses, « diaboliques ou dramatiques » avec Yvette Horner ou Isabelle Huppert. Ces cheveux-là n’ont cessé d’être disciplinés au cours des siècles, nattés comme pour l’écrivaine Colette jeune fille, serpents, chignons fantastiques comme Chloé de Mérode immortalisé par Nadar. Mais aussi rites d’initiation ou humiliation suprême comme à la libération saisies par Robert Capa où l’on tondit les femmes infidèles, sacrilège fait en public; voilés pour le deuil ou chez les musulmans, les cheveux regardent surtout les femmes en Europe à moins qu’ils ne soient  des grigris ou des talismans, ayant appartenu à des rois comme ce médaillon avec une mèche de Louis XIV et Marie Antoinette ou des sages. Partout devant les gravures, les photos, des  étudiants dessinent tandis que les civilisations plus lointaines montrent l’utilisation des cheveux comme mêlés dans la laine de yack pour se couvrir d’une cape rendue par ce procédé totalement  imperméable. Coiffes, perruques, ornements de tête avec mèches, coquillages ou plume venus de Chine, Afrique, Brésil, Papouasie-gage de force ou d’invincibilité, que de superbes ouevres d’art à découvrir dans la deuxième partie de l’exposition.  Ils peuvent devenir aussi des trophées comme ces scalps venus de Tanzanie ou pire encore des Tsantsas, ces têtes réduites chères aux  tribus jivaros. La fabrication? on coupe la tête qu’on incise jusqu’à nuque pour détacher la peau du crane puis on met dans décoction brulante pour la durcir. Certains visiteurs prenaient des photos apparemment peu sensibles aux  esprits…Voilà en tous cas une belle promenade capillaire, bien plus intéressante que d’aller chez le coiffeur!

AW

Brrr, les têtes réduites..un tantinet macabres

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