17 février 2023
Mme Tchaïkovski et son chemin de croix

La photo est troublante; le jour-même de leurs noces, il lui a déjà échappé. Le dernier film de Kirill Serebrennikov raconte un véritable chemin de Croix qui, à l’image de celui du Christ, est choisi et accepté. Celui de Antonina Miliukova, ravissante jeune femme russe aristocrate qui s’éprend follement de celui qui n’est à l’époque que Piotr, compositeur encore inconnu et professeur au Conservatoire. L’ardeur dont elle se consume pour lui dès leur première rencontre la rendra aveugle aux signes et aux conseils, « Fuis-le vite ». Celui qui deviendra l’immense compositeur russe Tchaïkovski est homosexuel ce qu’ il ne parviendra jamais à lui avouer; et ce qu’elle n’acceptera jamais d’admettre, persuadée jusqu’à la folie d’être LA femme du génial compositeur. Alors, elle fabriquera son malheur, le harcelant en s’offrant à lui qui ne sera même pas capable de supporter ne serait-ce qu’elle le touche. De ce mariage blanc et sacrificiel, le réalisateur russe multiplie les plans d’une beauté à couper le souffle- comptez deux heures trente quand même- tantôt pris de haut ou au raz des miséreux qui peuplent Moscou en cette fin du XIXème siècle. Chaque image est léchée comme un tableau où le gris ne cesse de dominer et la solitude à laquelle est vouée cette femme rappelant les tableaux du danois Vilhelm Hammershoi. Quant au casting, il est éblouissant entre la froideur coupable du compositeur joué par Odin Lund Biron et la beauté évanescente et et torturée de l’actrice Alyona Mikhailova qui aurait largement mérité un prix d’interprétation au Festival de Cannes où le film était donné favori.

AW

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