16 mars 2015
Milan sous le signe de Mozart adolescent

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Au-delà de la Trilogie Da Ponte et La Flûte enchantée, qui font partie du répertoire lyrique universel, les opera seria de Mozart retrouvent au fil des dernières années les faveurs des scènes, à l’instar d’Idomeneo et La Clemenza di Tito, que les théâtres français ont au demeurant bien mis à l’honneur cette saison, et ce regain d’intérêt remonte désormais jusqu’aux premiers opus du compositeur. En témoigne la nouvelle coproduction de Lucio Silla donnée à Salzbourg en 2013, pendant le festival d’été, et présentée en ce début de printemps par Milan, où cela prend une résonance particulière : c’est dans la capitale lombarde que l’ouvrage a été créé en 1772, six ans avant l’ouverture de la Scala.
Si l’ouverture foisonnante et les deux premiers airs un peu figés de Cinna et Cecilio occupent près d’une demi-heure, la dynamique dramatique s’anime progressivement, et offre de belles scènes contrastées. On peut déceler dans l’intrigue et la thématique – la lutte entre le pouvoir et le pardon –les prémices d’Idoménée, et plus encore de la Clémence, ce qui ne diminue nullement le plaisir de l’écoute. Dans sa mise en scène très esthétisante, sinon antiquisante, aux confins du carton-pâte, avec les incontournables colonnes pour toute atmosphère romaine, Marshall Pynkoski ne cherche pas à traduire l’ouvrage dans un langage visuel étranger, quitte à verser dans l’illustration. Le propos a cependant été efficacement resserré, en éludant les interventions d’Aufidio, ami de Lucio Silla. Apprécions également la chorégraphie élégante de Jeannette Lajeunesse Zingg.

Un écrin pour les chanteurs

Du moins cela permet-il de mettre en valeur les solistes, dont les arias constituent des sortes de tableaux psychologiques, dans le plus pur esprit de la tradition seria. Dans le rôle-titre, Kresimir Spicer fait briller la vaillance autant qu’il rend sensible les conflits qui agitent le dictateur. L’éclat du timbre s’allie à une richesse harmonique jamais laissée inexpressive. Si Lenneke Ruiten affirme une Giunia non dénuée de caractère, c’est pour le Cecilio de Marianne Crebassa que l’on aura les yeux de Chimène. La jeune française y démontre sa sensibilité et l’identité singulière de sa voix chaleureuse et colorée, ainsi qu’une maîtrise du style comme de la virtuosité qui se confirment au fil de la soirée. Inga Kalna appuie la personnalité de Lucio Cinna, quand Giulia Semenzato distille en Celia un babil léger et fruité d’une belle fraîcheur, en symbiose avec l’innocence du personnage. Préparés par Bruno Casoni, le chœur de la Scala ne faillit pas à sa réputation. Quant à l’orchestre de l’institution milanaise, il exalte une énergie bienvenue sous la direction de Marc Minkowski, défendant remarquablement la partition.

Par Gilles Charlassier

Lucio Silla, Teatro alla Scala, Milan février-mars 2015

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