19 janvier 2016
Michel Tournier, Dans les limbes

 

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Michel Tournier aura su donner espoir à tous ceux qui se mettent en écriture tardivement. Histoire de ne pas abattre d’arbres pour en publier les brouillons, c’est à quarante deux ans qu’il publia en 1967 son premier livre, Vendredi ou les limbes du Pacifique, rencontrant immédiatement le succès du public et de la critique-il obtint le Grand Prix de l’Académie française. Avec une plume délicate et élégante, il y revisitait le mythe de Robinson, lequel choisira à la fin de sa version de ne pas revenir au milieu des hommes. Réécrit pour les enfants, ce roman lui assurera selon ses dires une véritable rente, avec ce privilège rare pour les artistes de pouvoir échapper aux contingences matérielles et désiratas du monde littéraire. Celui-ci le couronnera trois ans plus tard avec le Prix Goncourt donné à l’unanimité pour Le Roi des aulnes, narrant l’histoire d’Abel Tiffauges, un Français emprisonné en Allemagne qui croisera la route de Göring, et recrutera de force des enfants destinés à périr dans la défense d’une fortification allemande lors de l’invasion soviétique.

Un conteur virtuose

Une Allemagne que Michel Tournier connaissait particulièrement bien grâce à ses parents et qui servit de toile de fond à un roman oscillant entre le réalisme et la magie, s’inspirant des Trois contes de Flaubert auquel l’écrivain vouait une admiration sans limite. Les Météores, le troisième de ses livres-il n’en publiera que neuf ce qui ne l’empêchera pas d’être pressenti pour le prix Nobel de littérature et de devenir membre du jury Goncourt- reviendra sur un autre mythe, celui de Castor et Pollux avant Gaspard, Melchior et Balthazar, roman sur les Rois mages. L’ écriture s’inspirant des contes y est ample et riche et inspirera à son tour certains auteurs comme Sylvie Germain avec son Livre des nuits ou Jours de colère. Reconnu de son vivant comme un des plus grands écrivains français, son ultime livre publié en 1985, La Goutte d’or reviendra sur sa passion de la photographie, créateur avec Lucien Clergue des rencontres de la Photographie d’Arles en 1970. Seule sa position très extrémiste vis à vis de l’avortement «les avorteurs sont les fils des monstres d’Auschwitz», restera une tache indélébile dans ce parcours d’homme lettré qui a fini ses jours à l’âge honorable de 91 ans dans la retraite qu’il s’était choisi dans la Vallée de la Chevreuse, entouré des siens comme l’on dit.

AW

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