19 mars 2020
#MeNot

Hasard du calendrier, la  journée internationale de la femme a précédé, ce mois de mars 2020,  la condamnation à 23 ans de prison, du producteur américain Harvey Weinstein, accusé par 93 femmes de harcèlements sexuels et de quatorze viols. L’affaire, impliquant celui que l’on considérait comme le roi d’Hollywood,  avait éclaté à la suite de premières révélations du New York Times publiées en octobre 2017, revenant sur des actes commis  pendant trois décennies. Certaines, comme le modèle italien Ambra Gutierrez avaient alors été brocardées par les tabloïds, l’ accusant d’« arrivisme opportuniste ». D’autres, comme l’actrice Rose MacGowan avertissant  le tout puissant directeur de Amazon Studios, Roy Price, que Weinstein l’avait violée, n’avaient pas vu le producteur inquiété. Au contraire, Weinstein avait continué à collaborer avec les studios Amazon tout en faisant appel en 2016 à diverses sociétés de renseignement privées pour discréditer les femmes qui l’attaquaient.  Si l’omerta commençait à fissurer, les manipulations, les menaces de briser les carrières de celles qui parleraient, les tentatives de censurer les médias comme The Times, Weinstein ne reculait devant rien. Rose MacGowan le confirme : elle a été trainé en justice par le producteur et a vu du jour au lendemain Hollywood lui tourner le dos. « Je ne serais plus jamais actrice » conclut-elle. Le mouvement #MeToo touche alors une centaine de pays, y compris la France tandis que Roman Polanski, le qualifie en 2018 d’«hystérie collective».

Plaintes classées, blacklistage


Un an plus tard, c’est au tour d’une jeune actrice et modèle française de 27 ans, Sand Van Roy de dénoncer Luc Besson pour viol; la plainte, malgré huit autres témoignages de victimes du producteur français, sera classée sans suite jusqu’à sa réouverture en octobre dernier. L’actrice affirme n’avoir, depuis sa plainte, plus eu aucun casting, lâchée par son agent. En un mot, elle a été « blacklistée », à l’image de ce que promettait le directeur de casting Olivier Carbone à Adèle Haenel, après sa sortie tonitruante de la 45 ème cérémonie des César. Son tweet, depuis effacé, annonçait:  » Vu mes sources, Haënel, tu vas avoir une bonne surprise prochainement avec une bonne omerta carrière morte bien méritée qui lui pend au nez ». Cette dernière, a été la seule actrice française à avoir dénoncé être la victime d’une agression sexuelle, en l’occurence le metteur en scène, Christophe Ruggia, lorsqu’elle avait entre 12 et 15 ans. Il semble que sa carrière se déroulera désormais outre-Atlantique, après avoir signé avec CAA, la plus importante agence artistique américaine.
Et les autres? En 2018, alors que la vague #MeToo s’invitait aux César et que Pénéloppe Cruz tout comme Alain Terzian, président de l’Académie, arboraient le ruban blanc- symbole de solidarité avec les femmes victimes de violences- nombreux étions-nous,  journalistes à croire que l’effet Weinstein allait faire des émules parmi les actrices françaises. « On n’est pas en Amérique, tu ne trouveras personne pour témoigner » m’avait alors découragé Sandrine Ray, une amie réalisatrice.

Omerta et impunité

Force est de constater qu’elle avait raison; après plusieurs semaines d’enquête sur Alain Terzian, sur lequel de nombreuses rumeurs circulaient quant à des « abus de position dominante » sur la gente féminine, confirmés par des comportements déplacés notamment envers Léa Seydoux et Scarlett Johansonn. Idem pour Alain Sarde, producteur tout puissant, ayant déjà été cité en 1997 dans une affaire d’abus sexuels perpétrés par le photographe français Jean-Pierre Bourgeois qui attirait ses victimes en leur faisant miroiter un rôle dans un film du ponte du cinéma français,  celui-ci jura à la justice qu’il pensait que les victimes étaient toutes des prostituées, donc consentantes. Le gratin du cinéma français, de Delon à Belmondo en passant par Adjani, Deneuve, Serrault, Godard, Sautet ou Noiret, prit alors sa défense. Ainsi, Il est aisé de comprendre que, contrairement au monde politique ou récemment au monde sportif qui bénéficiait du silence complice des journalistes spécialisés, le monde du cinéma français n’est pas prêt de faire son « coming out » d’autant que la boutade de l’humoriste Blanche Gardin a bien résumé les croyances qui empoisonnent ce milieu:  » Bah si on ne peux plus coucher, il va falloir apprendre son rôle! ».

Par Laetitia Monsacré

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