5 mars 2012
Martha & Co

A couper le souffle. « Martha Marcy May –et quoi déjà ?- Marlène » était, depuis les échos favorables après son passage remarqué au festival de Sundance et celui de Toronto, un film attendu même si un peu boudé à Cannes dans la sélection Un certain regard. Il confirme en tous cas l’émergence d’un réalisateur, Sean Durkin et de son actrice principale, Elizabeth Olsen –oui, la petite sœur des célèbres sœurs jumelles- âgée de 20 ans et pleine de talent. On y retrouve également John Hawkes -Prix Spécial du Jury au Festival de Sundance en 2005, ainsi que Caméra d’Or au Festival de Cannes- talentueux et glaçant dans le rôle de Patrick, leader manipulateur de la secte. Du scénario à sa mise en scène en passant par la performance des acteurs, Sean Durkin s’est appliqué à faire de Martha& Co une petite perle. Un bijou cinématographique. En revenant sur le portrait d’une jeune femme torturée par ces années passées au sein d’une secte, le réalisateur traite avec un regard neuf et différend un sujet difficile  sans y apposer de sermon moralisateur ou de clichés souvent communs aux films abordant ce thème. Ici, tout est dans la nuance et la complexité des sentiments. Perdue entre souvenirs et réalité, avec sa fragilité et sa nonchalance, Martha essaye de revenir à la vie normale.

Comme une famille

On ne peut la blâmer de s’être faite enrôler dans ce piège qui s’est refermé sur elle avant qu’elle ne s’en soit aperçue. Avec son passé difficile –l’absence de parents et une sœur peu présente-  Martha intègre un groupe de jeunes vivants dans une ferme paisible, aux règles proches de celle des hippies de 68 – vivre de ses cultures à l’écart de la société, loin du matérialisme, partageant leurs habits comme leur intimité. Là-bas, « on prend soin d’elle, parce que les autres ne l’ont pas fait». Dans cette communauté, l’important est de « trouver son rôle dans la famille ». Et c’est aussi ce que l’on fait, consciemment ou non dans la vie. Comme dans une fratrie où chacun à son rôle à tenir, qui sera différent au niveau professionnel, puis sentimental. Nous avons tous un profil pouvant être assumé et parfois imposé. Le contraste entre la vie de Martha et celle de sa sœur est également touchant, dans sa véracité. Appartenant à la même famille, les deux femmes mènent pourtant une existante aux antipodes l’une de l’autre. Bien rangée pour Lucy, décomposée pour Martha. Elles passent leur temps à parler mais sans arriver à communiquer –Martha ne pouvant lui avouer ce qu’elle a vécu. Et de comprendre ainsi, sans juger, que son entourage ne soit pas capable de l’aider à se sortir de son passé.

L’atmosphère est pesante, la caméra suivant tour à tour le regard de Martha –angoissé- et celui inquiet de sa sœur. En mêlant scène du présent et flashbacks, le film nous fait vivre l’histoire de Martha de manière efficace. Sous tension. Les plans longs –fixant une partie du corps, une ombre, ou un paysage, s’entrecoupent avec des scènes en mouvements grâce à des parallèles judicieux –Martha plonge dans le lac chez Lucy, à sa sortie de l’eau nous sommes à nouveau sur les berges proches de la ferme de Patrick. Sans oublier la bande son, où la mélodie dédiée à Martha reste un moment particulièrement intense.

Martha Marcy May Marlene.. Un titre à rallonge dont il serait dommage de ne pas retenir le nom. Bouleversant.

 

Par Sarah Vernhes

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