11 décembre 2013
Manfred ou la malédiction romantique

Archétype du romantique maudit, la figure de Manfred a nourri toute une génération. En s’inspirant du poème dramatique de Byron, que le poète anglais avait écrit de sorte à le rendre irreprésentable sur une scène, Schumann  était conscient de composer un objet lyrique non identifié : des chœurs mais pas de chanteurs solistes, un texte parlé abondant, déclamé parfois sur la musique selon les codes du mélodrame en vogue à l’époque.  Si une version en français due à Victor Wilder a été créée en 1886, Georges Lavaudant a préféré l’utiliser pour faire une synthèse avec l’original allemand et la version que Carmelo Bene a réalisée pour la Scala de Milan en 1978. Le résultat : l’ensemble des personnages a été ramené à deux, Pascal Rénéric, Manfred,  prêtant sa voix à toutes les incarnations masculines grâce au jeu sur les registres et l’amplification acoustique.

Noir c’est noir

Décors, rideaux, costumes, lumières, tout est noir, surlignant la malédiction qui pèse sur le héros – à peine une nébuleuse point-elle comme la naissance lointaine d’une galaxie, vague espoir qui ne peut-être que céleste. En choisissant de réduire à la déclamation une action théâtrale de toute manière inexistante, Georges Lavaudant prenait le risque d’en rajouter sur un texte déjà très présent par rapport à la musique, qui de surcroît n’échappe pas à une certaine grandiloquence verbeuse et ennuyeuse. Autant dire que les longs monologues entretiennent la nostalgie d’une partition musicale elle-même très hétérogène – la fougueuse ouverture,  le plus long morceau de la soirée, rappelle la Quatrième Symphonie. Au moins peut-on se consoler avec les chœurs, impeccablement préparés par Joël Suhubiette, et la baguette nerveuse d’Emmanuel Krivine. Les coups d’essai n’ont pas l’obligation d’être toujours des coups de maître, et c’est là l’un des privilèges du théâtre subventionné.

GL
Manfred, Opéra Comique, jusqu’au  15 décembre 2013

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