19 février 2012
Malheur aux vaincus !

La famille politique qui l’emportera le 6 mai prochain sera vraisemblablement la seule à ne pas exploser. Car peu importe le camp perdant : à l’UMP, au PS, au MoDem et à EELV, retentissants divorces, séparations pas toujours à l’amiable, mariages de raison, familles recomposées et droits de garde sur l’héritage du parti se retrouveront au programme de l’été 2012.

EELV : une famille anti-nucléaire sous tout rapport

Avant même l’arrivée de l’été, les figures parentales d’Europe-Ecologie Les Verts (EELV) tergiversent déjà. Que faire en avril étant donné les derniers sondages ? Avec des estimations autour des 8 à 10% – comme le montraient les chiffres il y a huit mois encore –, EELV représentait une grande et réelle menace pour ses alliés naturels du Parti Socialiste. Lequel doutait du bien fondé de cette candidature, criant par monts et par vaux qu’un 21 avril semblait (l’étant d’ailleurs toujours) de nouveau possible. Avec en revanche des estimations autour des 2 à 3% – comme le présagent les données d’aujourd’hui –, la campagne présidentielle représente désormais une menace en soi pour le parti qui, à son tour, doute de sa candidature. Faut-il en effet s’endetter, et concourir au premier tour pour pouvoir exister comme la Vème République l’impose, ou bien faire l’impasse et se concentrer exclusivement sur les législatives comme le conseillent les frères Cohn-Bendit ? Farouchement anti-nucléaire sur les questions énergétiques, EELV l’est aussi dans sa constitution : elle ne fera en effet jamais figure de famille nucléaire classique. Car le rapprochement initié au printemps 2009 de différents individus verts pour les élections européennes, puis celui – réussi – des fratries des Verts et d’Europe-Ecologie en novembre 2010, ont enfanté une famille composée caractérisée par l’instabilité, un manque latent de soutien lorsque certains membres sont attaqués (Eva Joly) et une direction souvent divisée entre la figure paternelle morale (Daniel Cohn-Bendit) et la mère active sur tous les fronts (Cécile Duflot).
Alors que l’écologie est devenue un sujet central, identifié tant par les électeurs que par les élus (et ce tous bords confondus), la comète EELV pourrait être déjà être au crépuscule de sa vie.

MoDem : famille monoparentale

La formation centriste, qui a épousé le mouvement « ni droite ni gauche », évoque ostensiblement une famille monoparentale incarnée par le seul François Bayrou. D’abord dans les tréfonds abyssaux dès la mi-2008 et très critique face au Président Sarkozy (son livre ‘Abus de pouvoir’ a séduit énormément de lecteurs), soulignant également qu’il n’était pas insensible à certains thèmes du PS, le député des Pyrénées-Atlantiques a repris des couleurs et le contact avec le chef de l’État, répétant à l’envi que le programme de Hollande n’était pas tenable. Apôtre d’une union nationale sacrée pour la campagne 2012, Bayrou et sa famille ont enregistré ces dernières semaines plusieurs unions symboliques (Philippe Douste-Blazy membre symbolique des pères fondateurs de l’UMP, Alain Lambert, ministre délégué au Budget dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Arnaud Dassier surnommé Monsieur Internet de l’UMP en 2007).
Et les électeurs dans tout cela ? Ceux du premier tour de 2007 ont reproché au Béarnais de n’avoir pris aucune position ferme lors du second. Or, en se penchant sur le très disparate électorat du MoDem, il parait naturel que des déçus se feront à nouveau entendre lorsque Bayrou, s’il n’accède pas au second tour, appellera comme il l’a promis à voter en faveur de l’un des deux finalistes ; le sondage effectué par la TNS Sofres pour l’émission Dimanche Plus révélait d’ailleurs que l’appel du second tour mécontenterait 61% ou 73% de son électorat. Des critiques se soulèveront elles aussi dans le cas où il se qualifie pour l’élection du 6 mai. Car même en s’installant à l’Elysée, étant donné l’inexpérience et l’insuffisance de ses troupes actuelles, il devra en effet regarder à gauche comme à droite pour former un gouvernement crédible et sérieux, contrariant ipso facto une partie de ses sympathisants.
L’essence même du MoDem lui empêche de survivre sous la Vème République. Car les décisions prises, au soir du premier ou du second tour, balaieront ce mouvement fondé sur le « Ni à droite ni à gauche ».

UMP : famille recomposée bientôt décomposée ?

La famille siglée UMP a été créée le 23 avril 2002 en vue d’assurer la victoire du patriarche corrézien Jacques Chirac. Voulant rassembler toutes les forces du centre (UDF) et de la droite (RPR et Démocratie Libérale), l’UMP ressemble dès le départ à une immense et disparate maison accueillant de très nombreux clans : des gaullistes, des libéraux, des valoisiens, des souverainistes, des centristes, des républicains de droite, des radicaux, des écologistes bleus, des conservateurs, des chrétiens-démocrates. A sa tête Alain Juppé, fils ainé et qualifié de « meilleur d’entre nous », préside le parti jusqu’à l’été 2004 avant de prendre une peine d’inéligibilité et la poudre d’escampette pour Montréal. Nicolas Sarkozy lui succède officiellement le 28 novembre 2004 et se sert de sa popularité croissante pour remplacer Chirac comme paternel devant l’éternel. Grand et solide rassembleur, le nouveau Président de la République n’a pas réussi à maintenir cette réunion de tentes digne des plus grandes smalahs tant l’appétit des jeunes ambitieux s’est fait sentir au détriment de l’unisson qu’il demandait.
Des luttes fratricides internes entre Jean-François Copé et Xavier Bertrand ou le premier ministre François Fillon pour ne citer qu’eux, aux candidatures désunionistes d’anciens membres de la tribu (Hervé Morin, Christine Boutin et Dominique de Villepin ont tous été encartés ou apparentés UMP), le divorce semble se rapprocher ou déjà consommé. Caligulesque, le fondateur-candidat peut-il encore menacer pour réunir ? Oderint dum metuant-« Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ! »

PS : famille élargie prête à éclater ?

De Manuel Valls – loué par The Economist – à Arnaud Montebourg, la définition du socialisme varie beaucoup, mettant en exergue les différences entre les membres composant le ménage sis Rue de Solférino. Fondée sur la multiplicité des courants et des pensées, la maison socialiste a connu les plus grandes peines à faire corps dans l’adversité depuis la disparition du Père spirituel en janvier 1996. Le fils prodigue Laurent Fabius demandera même en 2007, à sa sœur Royal, qui garderait les enfants. Après trois échecs successifs, la famille à la rose parviendrait à contenir cette année les voix dissonantes qui pourtant se révéleraient assurément discordantes si la victoire n’était pas obtenue. En effet, la voie d’exil prise par le tribun frontiste Mélenchon pourrait être reprise notamment par l’auteur d’ « Idées et de rêves » et ses 17% obtenus lors des primaires pour critiquer la mollesse de cette social-démocratie soumise à la fessée punitive et paternelle des marchés. L’idée des transcourants mènera-t-elle aux factions ? Seule certitude, la victoire ou le divorce. Vae victis!

 

Par Arthur Beckoules

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