28 avril 2014
Macbeth à Toulon/ Shakespeare repeint par Goya

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La fascination que Shakespeare exerçait sur Verdi n’est pas un mystère, et Jean-Louis Martinoty le rappelle en ponctuant sa production de Macbeth de citations tirées de la pièce du célèbre dramaturge anglais. Mais ce que cette mise en scène déjà présentée à Bordeaux et Nancy l’an passé propose c’est aussi, à travers les projections de tableaux de Ronan Barrot, un peintre bordelais d’une quarantaine d’années, un rapprochement avec les « peintures noires » de Goya – quelques années avant de finir sa vie en exil dans la capitale girondine, l’artiste espagnol avait réalisé pour sa maison de campagne où il s’était réfugié des fresques terrifiantes à la pâte épaisse et sombre désormais accrochées au Prado. Sans doute l’importance des sorcières dont les prédictions encouragent Macbeth au crime puis à sa perte y invitent-elles – la duplicité de visages tantôt femmes, tantôt masques maléfiques, prenant à la lettre l’une des répliques de Banquo, est d’un effet plutôt réussi.

Un plateau en petite forme
Mais les lacunes d’une reprise réglée un peu lâchement se révèlent assez rapidement dans une direction d’acteurs à la précision discutable, et ce malgré le soutien d’un dispositif scénographique dont les surfaces miroitantes multiplient les fantasmes et les craintes du monarque criminel. D’autant que sans démériter les applaudissements du public, nécessairement impressionné par un des chefs-d’œuvre de Verdi de la première maturité – où il anticipe d’ailleurs des ouvrages ultérieurs – les interprètes ne se montrent pas tous au meilleur de leur forme. A commencer par le rôle-titre, tenu par un Giovanni Meoni qui a le volume et les notes mais non la noirceur. Seule rescapée du naufrage du Vaisseau fantôme de Minkowski à Versailles l’an passé, Ingela Brimberg possède les deux faces du personnage contrasté de Lady Macbeth – ambitieuse face à un époux velléitaire, l’ombre d’elle-même dans l’air du somnambulisme – à défaut d’avoir un style et une voix sans reproche. Mikhail Kolelishvili montre peu de charisme en Banco tandis que Roman Shulackoff attend la seconde partie de soirée pour accorder justesse et puissance à Macduff.

Quant à Giulano Carella, sa battue alerte et son sens inné du drame impulsent au premier acte une réelle nervosité,  parfois au détriment de la rondeur, mais son engagement peine à tenir l’ensemble de la soirée. Ce coup de fatigue passager, dont le chœur tire un peu trop promptement les conséquences, ne saurait cependant remettre en cause l’excellence du travail réalisé par le chef italien au sein de la formation provençale depuis six ans et que l’on retrouvera, outre dans le Don Giovanni qui referme la présente saison, dans la prochaine avec Lakmé, Anna Bolena et Simon Boccanegra.
GC
Macbeth, Opéra de Toulon, du 25 au 29 avril 2014

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