2 juin 2016
L’Orchestre d’ouest en est

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A la tête du Los Angeles Philharmonic depuis 2009, le chef vénézuélien Gustavo Dudamel, fruit du programme El Sistema, appartient au cercle très restreint des légendes vivantes de la baguette, et en cette fin de saison, les mélomanes angelinos peuvent le retrouver à résidence, dans une série associant la musique d’aujourd’hui avec le classicisme viennois, Arvo Pärt en regard de Mozart. En mettant à l’affiche le célèbre compositeur estonien, qui avait suivi la voie sérielle pendant sa jeunesse, ce n’est assurément pas le choix de l’avant-garde intellectuelle qui s’impose. Dans l’un des programmes, placé sous le signe du répertoire religieux, son Miserere, composé il y a plus de vingt-ans et joué pour la première fois par la phalange californienne, en témoigne.

Los Angeles sous le signe du recueillement

Ecrite pour choeur et une dizaine d’instrumentistes, la partition progresse en faisant contraster un recueillement intimiste avec de puissants répliques chorales dans des tutti réunissant, plus dans un élan de ferveur œcuménique que par effet d’iconoclasme, l’orgue, les percussions et la guitare électrique. Ailleurs, la facture orchestrale privilégie une intimité chambriste à quelques solistes – hautbois, clarinette et sa version basse, basson, essentiellement, tandis que l’on remarquera la fragilité du ténor Frederick Ballentine – aux accents hypnotiques et interrogatifs à la fois, où le croyant attend l’écho de la miséricorde divine dans l’infini de sa solitude et son dénuement. L’inspiration mélodique et harmonique se modèle en conséquence, proche d’une répétition rituelle qui ne se soucie que modérément d’une architecture formelle, au risque de ne pas combler toutes les attentes de l’auditeur. L’on pourra cependant se laisser porter par la direction précise de Gustavo Dudamel, calibrant l’intériorité des séquences décantées, sans négliger une intensité de l’expression, que l’on retrouve, après l’entracte, dans le Requiem de Mozart.

Si à l’aune de ce que les dernières décennies ont livré dans l’interprétation du testament de l’enfant prodige de Salzbourg, la lecture du chef vénézuélien passerait aisément pour romantique, la relative densité des masses sonores n’ignore pas cependant une dramatisation des tempi que ne renieraient les baroqueux. Outre les formations chorales baltiques, on saluera Lucy Crowe et Roxana Constantinescu, soprano et mezzo, le solide baryton-basse Luca Pisaroni, plus constant que le ténor Paul Appleby, tandis que l’ensemble du plateau met plus d’une fois le texte à l’ombre du son. Ivre peut-être de son aura, Dudamel s’attache à maintenir, à la façon de Claudio Abbado, le halo d’émotion après la dernière note, modèle que plus d’une baguette semble vouloir aujourd’hui imiter.

Le tuba à l’honneur

Deux mille cinq cents miles plus à l’est, et un gain de quelques degrés en cette fin mai, le New York Philharmonic met à l’honneur un instrument généralement relégué en fond d’orchestre pour quelques notes graves, le tuba, avec un Concerto écrit par John Williams au milieu des années qautre-vingt. Connu avant tout comme fournisseur de musique pour Hollywood, collaborateur régulier de Speilberg, à l’oeuvre dans le spectaculaire de Star Wars autant que l’ironique suspense du dernier Hitchcock avec Complot de famille, le compositeur américain a réservé au soliste une partition volubile que domine la virtuosité consommée d’Alan Baer. Après l‘Introduction et Allegro pour cordes d’Elgar en ouverture efficace quoiqu’un peu pesante, le cycle Les Planètes de Hoslt referme le concert sur une démonstration de plénitude sonore, sous la houlette de David Robertson, attentif à ce diaporama où les symboles mythologiques se parent d’une éclatante opulence orchestrale.

Par Gilles Charlassier

Los Angeles Philharmonic, Walt Disney Hall, Los Angeles ; New York Philharmonic, Lincoln Center, New York – mai 2016

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