Il y a tout juste cinquante ans naissait l’Orchestre de Paris, sur la scène du Théâtre des Champs Elysées. Un demi-siècle plus tard, et plusieurs migrations d’une salle à l’autre dans la capitale, la phalange a enfin élu domicile à la Philharmonie, où un roboratif programme pour le cinquantenaire attend les mélomanes. Car c’est bien autour de cet anniversaire que celui-ci a été composé. En ouverture, la Sinfonia de Berio, commandée par le New York Philharmonic pour célébrer ses cent-vingt-cinq ans, a été créé en 1967, justement. Daniel Harding en livre une lecture qui se révèle surtout dépendante d’une amplification sonore trop prégnante, altérant la lisibilité du fameux texte palimpseste de Beckett sur le Scherzo de la Deuxième Symphonie de Mahler, le troisième mouvement de la partition.
La pénombre se colore de teintes festives tandis que l’on actionne les cent métronomes du poème symphonique que Ligeti a imaginé pour cet effectif peu commun. La préparation du plateau pendant cet intermède, malgré le maintien de l’obscurité, n’a pas dissuadé les bavardages, peu sensibles à l’humour millimétrique et parfois imprévisible de l’installation sonore. C’est ensuite du haut d’un balcon que Jörg Widmann entonne sa Fantaisie pour clarinette seule, dont il déploie l’inventive sensualité, aux confins de l’improvisation, avec une admirable maîtrise des effets. La première partie s’achève avec la Symphonie de Psaumes de Stravinski, conçue pour les cinquante ans du Boston Symphony, superposant la solennité du Choeur de l’Orchestre de Paris, préparé par Lionel Sow, et des alchimies de timbres inhabituelles, où dominent les vents, à rebours de la sensiblerie des cordes à laquelle le romantisme, entre autres, nous a habitués en matière de musique religieuse.
Sous le signe des anniversaires
Après l’entracte, c’est au tour de l’Orchestre de Paris de fêter son demi-siècle, avec une commande fait à Jörg Widmann, Au cœur de Paris, qui se veut un hommage de circonstance aux stéréotypes populaires, entre cancan et chansons de Piaf, se goûtera mieux si l’on n’y met pas plus d’attentes que dans un Joyeux anniversaire que Daniel Harding fera entonner aux choeurs comme au public à la fin de la soirée. Avec La Mer de Debussy, c’est un clin d’oeil au programme du concert inaugural de l’Orchestre de Paris que fait l’actuel directeur musical, restituant l’essentiel de l’inspiration suggestive et descriptive de la pièce, avant une ultime et délicate gourmandise, le lied An die Musik de Schubert, réorchestré par Berio – la boucle est bouclée, distillant sans doute au passage un discret hommage à Claudio Abbado, le maître de Harding, qui a défendu les orchestrations de lieder de Schubert par la postérité du compositeur viennois.
Par Gilles Charlassier
Orchestre de Paris, concert anniversaire 1er et 2 novembre 2017