18 octobre 2017
L’opéra français à l’Opéra de Rome

Si le répertoire italien conserve naturellement une place de choix à l’Opéra de Rome, Carlo Fuortes, le directeur de la maison, ne néglige pas d’ouvrir sa programmation. On en a trouvé témoignage dès sa première saison, ouverte avec une Rusalka, de Dvorak, appelée à la rescousse pour pallier le départ de Ricardo Muti, et que confirmera la deuxième, inaugurée de manière assez audacieuse avec les Bassarides de Henze. Si le troisième exercice a permis au public romain de découvrir le Tristan und Isolde réglé par Pierre Audi et présenté au Théâtre des Champs Elysées quelques mois plus tôt, sous la direction de Daniele Gatti, l’opéra français n’est pas ignoré, avec Fra Diavolo d’Auber, avant une nouvelle Damnation de Faust, de Berlioz, en décembre, que l’on espère bien plus convaincante avec Damiano Michieletto que dans la vision d’Alvis Hermanis à Bastille.
Mais revenons au dernier spectacle de la saison 2016-2017 – à Rome la « rentrée » lyrique se fait en décembre, comme à Milan. Créé en 1830 avec dialogues parlés, ainsi que l’exige la nomenclature de l’opéra comique – sans rapport nécessairement avec la légèreté de l’argument – Fra Diavolo a ensuite été traduit en italien pour la reprise à Florence en 1866, et c’est cette version avec récitatifs, réadaptée en français par René de Ceccatty, que le Teatro dell’Opera propose. Dû au presque incontournable Eugène Scribe dans le Paris lyrique du dix-neuvième siècle, le livret puise son inspiration dans le folklore des brigands napolitains : « Fra Diavolo » est le surnom que l’on donnait à l’un deux, Michele Pezza, lequel a également participé à la rébellion face à l’invasion napoléonienne.

Le plaisir des yeux et des oreilles

Mais pour s’inspirer de l’Histoire, l’ouvrage n’en oublie pas d’être une comédie. La production commandée à Giorgio Barberio Corsetti a bien saisi cet instinct du divertissement, mêlant avec habileté rebondissements et sentiments, et livre, avec la complicité d’un dispositif vidéo, réalisé par Igor Renzetti, Alessandra Solimene et Lorenzo Bruno, un agréable spectacle visuel, rehaussé par les lumières de Marco Giusti, sans renier l’efficacité dramatique, résumé dans un décor de maison où l’on passe d’une pièce à l’autre au gré des retournements de l’intrigue.
Dans le rôle-titre, John Osborn démontre une luminosité lyrique admirable qui irradie avec évidence la partition, et en relève les mérites. Quoique dominant la distribution, il ne relègue pas ses partenaires dans l’ombre. Le couple d’aristocrates anglais ne dépare aucunement, avec le Lord Rocburg de Roberto De Candia, et Sonia Ganassi, Lady Pamela d’une indéniable intensité. On ne manquera pas Giorgio Misseri et Alessio Verna, respectivement Lorenzo et Matteo, ni la fraîcheur de la Zerlina campée par Anna Maria Sarra. Quant à Jean-Luc Ballestra et Nicola Pamio, il forme un savoureux duo d’hommes de main du faux marquis Fra Diavolo, Giacomo et Beppo. Dans la fosse, Rory Macdonald restitue l’essentiel de la vitalité de l’ouvrage d’Auber, avec le concours des choeurs préparés par Roberto Gabbbiani.

Par Gilles Charlassier

Fra Diavolo, Rome, octobre 2017

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