13 mars 2013
Lolo Ferrari ressuscite à l’opéra


Le fait divers est assurément une source d’inspiration bien tentante pour rendre contemporain un genre lyrique parfois encombré de mythologies. Avec Lolo Ferrari, on peut dire que Frédéric Roels, le directeur de l’Opéra de Rouen, lequel pour l’occasion s’est mué en librettiste, a choisi un sujet gonflé en silicone. Il n’est pourtant pas le premier à avoir succombé au parfum du scandale, Covent Garden ayant donné en 2011 Anna Nicole, retraçant les déboires d’une bimbo héritant du milliardaire octogénaire qu’elle avait épousée. Nul lien cependant entre les deux projets dont la proximité chronologique n’a d’autre raison que le hasard. On n’en goûte pas moins la complicité de Dame Fortune qui fait coïncider la première de Lolo Ferrari avec la journée mondiale de la femme, le 8 mars, qui plus est dans une saison célébrant les femmes rebelles ouverte par une Carmen incarnée par Vivica Genaux.

Un destin digne d’un polar

Mais revenons à la destinée d’Eve Vallois alias Lolo Ferrari. L’opéra composé par Michel Fourgon retrace le parcours d’une adolescente brimée par une mère autoritaire qui ne cesse de rabaisser la brillante mais fragile jeune fille. Elle tombera dans les griffes d’un époux manager qui en fera une bête de foire. Mais la fêlure narcissique de la proie va échapper à son prédateur et sombrer dans un délire de métamorphoses désormais davantage chirurgicales qu’esthétiques. On la retrouvera inanimée dans sa piscine de Grasse, figée dans un plan en noir et blanc qui rappelle Boulevard du crépuscule de Billy Wider.
Frédéric Roels a habilement tiré parti de ce destin digne d’un polar. La psychologie de l’héroïne est dessinée avec un soin appréciable – et habité avec sincérité par Chantal Santon, dont l’interprétation force l’admiration. Le basculement de sa personnalité manque malgré tout d’un soupçon de vraisemblance – mais l’espace du genre lyrique le permettrait-il vraiment ? – alors que la dialectique wagnérienne entre les époux à propos de leur existence matérielle ralentit la progression du drame. La musique en pâtit, tandis qu’elle réserve par ailleurs de belles trouvailles, à l’instar du choral d’ouverture initié par des accords de guitare électrique – métamorphose moderne du luth de la Renaissance.

Des interprètes investis

Guidés par la mise en scène sobre et efficace de Michael Delaunoy, les chanteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes. Outre la maîtrise vocale et théâtrale de Chantal Santon dans le rôle-titre, Thomas Dolié s’investit totalement dans le personnage de Victor Vigne, jusqu’à accepter de se décolorer les cheveux pour les besoins de la régie. On évoquera les apparitions successives de Xin Wang – petit ami de Lolo, chirurgien, médecin et magicien au fil de l’histoire – ou encore la despote maternelle, hystérique Tatyana Ilyin, sans oublier le travail du chœur accentus, en résidence à l’Opéra de Haute-Normandie. Quant à la direction de Luciano Acocella, nullement spécialisé dans le répertoire contemporain, elle démontre, par sa narrativité, que la musique d’aujourd’hui sait être accessible, à défaut de se garantir une postérité.

GC

Lolo Ferrari, Opéra de Rouen, jusqu’au 12 mars 2013

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