27 octobre 2011
Lettres et mets rares

Attention, ce livre est une merveille. Le plaisir des mots, des mets et des yeux. Voilà l’alchimie délicieuse que François Desgrandchamps avec l’aide de Jacques Horovitz ont réussi dans « Une journée gourmande et littéraire » aux éditions de La Martinière. Le premier est chirurgien et chef de service à l’Hôpital Saint Louis. Le second est président de Chateauform qui regroupe une trentaine de lieux pour des séminaires en Europe. Pas vraiment des profils d’artistes et pourtant, ce passionné de littérature et de cuisine associé à ce dirigeant esthète ont réussi un livre à la saveur rare. Celle des mots lorsqu’ils sont écrits par Proust, Feydeau, Nietzsche, Flaubert ou Baudelaire et celle des recettes, très simples ou plus élaborées. La truffe ainsi, qui, pour Brillat Savarin est  « ce grand mot qui réveille des souvenirs érotiques et gourmands chez le sexe portant jupe et des souvenirs gourmands chez le sexe portant barbe »  devient grâce au chef Jonathan du Chalet de Champéry un Velouté glacé de haricots coco à la truffe. Les madeleines de Proust « qui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille Saint Jacques » sont présentées dans une version cacao et miel. La gourmandise permet l’ éclectisme avec l’Odyssée d’Homère qui cohabite avec Jules Vernes- recette de poulpe en hommage à 20 000 lieux sous les mers ou de confiture au lait avec Victor Hugo et son poème  « l’art d’être grand père ». Le choix d’un gendre de Labiche sert de prétexte à un feuilleté de foie gras au Sauterne, Pierre Loti, à une recette de Sole en croûte de couscous, Madame de Sévigné citant Vatel à un Rôti de lotte au lard et la fable « Le Loup et l’Agneau  » de La fontaine à un Croustillant de noisette d’agneau. « Les volailles fumaient, la graisse chantait dans la lèche frite, les broches finissaient par causer entre elles, par adresser des mots aimables à Quenu qui, une longue cuillère à la main arrosait dévotement les ventres dorés ». Que ce soit ces mots de Zola ou ceux de  Maupassant:  « Les huitres d’Ostende furent apportées mignonnes et grasses , semblables à de petites oreilles enfermées en des coquilles et fondant entre le palais et le langue ainsi que des bonbons salés », c’est un régal de lecture émaillé de photos pleines de grâce prises par Stéphanie Lacombe dans tous ces lieux, châteaux ou demeures magnifiques, qu’a su trouver Jacques Horovitz. La photo de chaque chef en médaillon, des astuces pour les recettes qui vont du petit déjeuner en passant par le goûter, les vins conseillés, décidément rien n’a été oublié dans ce livre qui vous permettra de vous faire plaisir en lisant de magnifiques textes dans votre fauteuil sans même avoir à cuisiner. Mais il sera dur de résister…

LM

Une journée gourmande et littéraire- La Martinière, 39 euros

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