12 décembre 2015
L’état d’urgence, 1? pour la planète-1 pour la police

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« Le monde retient son souffle ». Avec un accord à 1,5 degrés et une échéance à 2025 soit dans dix ans ce qui est bien tardif vu l’urgence, la COP21 laisse Tous les écologistes s’y attendaient. La COP21 n’a pas intéressé les Français lesquels ont toutefois pu se nourrir pendant dix jours des articles, émissions et autres documentaires diffusés jusqu’à l’overdose par l’ensemble des médias.  Pour ceux qui entendaient profiter de ce sommet pour réaffirmer leurs engagements, c’est raté, toute manifestation ayant été opportunément interdite grâce à l’état d’urgence. La marche climatique, interdite, les rassemblements muselés avec des garde à vue multipliées à l’envi comme encore hier pour 80 membres de Greenpeace- « la paix verte »- qui ont transformé le place de l’Etoile en un magnifique soleil que le groupe Publicis (dont c’est l’emblème) aurait pu sponsoriser avec la bénédiction des pouvoirs publics . Sortant justement d’une projection de presse dans la salle de cinéma de ce groupe, j’ai été attirée par le rassemblement de journalistes à quelques mètres de là. Mon I phone ayant avec un zoom de plus incertain, j’ai voulu prendre des photos en me rapprochant du périmètre où les policiers maintenaient de gentilles mères de familles, jeunes écolos et autres citoyens qui disent non à ce monde qui prône la surcroissance jusqu’à l’explosion-le syndrome du poisson chat; première empoignade avec les policiers qui me repoussent violemment. Puis revenue derrière les barrières, j’ai alors devant la violence de la scène où les membres de Greenpeace étaient conduit menottés vers un car de police, lancé un cri du coeur de citoyenne et sans doute, je le confesse, de spectatrice ayant vu trop de films sur les juifs qui étaient emmenés devant une population qui détournaient les yeux. « Quand la police est sur les dents, la République fout le camps ». Un bon titre d’article qui me valut de voir se précipiter vers moi deux policiers, matraques à la taille. La peur m’a saisit avec cette idée que tout comme le jeune Awen que j’ai interviewé la semaine dernière- lire article , placé en garde à vue juste par ce qu’il était là à défendre ses idées place de la République, il y avait de très fortes chances que l’on m’y place, pour m’y « mater » avec cette idée que l’attente, l’incertitude, l’humiliation peuvent vous faire vaciller dans vos croyances. Et rentrer gentiment dans le troupeau.

Femme, 44 ans, deux enfants, journaliste, menottée

Bref, avec l’idée d’aller me réfugier dans le drugstore pour échapper à ce que je n’étais pas loin de considérer comme deux nazis à mes trousse, je me suis retrouvée plaquée au sol, avec un prise à la gorge faite par le premier policier tandis que sa consoeur me disait « ferme ta gueule sale conne » alors que je hurlais que j’étais journaliste et « vous me faites mal ». C’est que de ma vie entière, je n’ai jamais eu le droit être la victime de ce qu’on appelle une bavure policière ni être menottée, me retrouver le doigt râpée sur le trottoir en sang, sentant ma tête heurtant le macadam ce qui a fait sauter une couronne dentaire que j’ai laissé sur les lieux du crime. Puis j’ai été rapidement exfiltrée malgré l’intervention du vigile en costume cravate qui m’avait accueilli à la projection, essayant de calmer les deux policiers totalement hors d’eux. Des gens avaient sortis leur portables devant la violence de la scène et filmaient ce qui était une scène assez inhabituelle sur les Champs Elysées; une femme bien habillée hurlant « vous me faites mal » avec deux policiers la maintenant à terre. La suite ne fut pas plus glorieuse; un croque en jambe pour me mettre à terre à l’abri des regards « si tu bouges encore, je t’éclate la tête », derrière le camion de police stationné dans le périmètre de sécurité, la menace de chef d’accusation » dégradation de véhicule » pour m’être essuyée ma main en sang-on ne proposait évidemment pas de kleenex- et mon portable dans la main de la policière avec l’inquiétude qu’il ne disparaisse, celle-ci ayant à loisir de regarder si je n’avais pas mis le mode enregistrement en marche… « On va la traiter à part des manifestants ».

Plus de papier toilette

A 13 heures, j’ai donc été fermement installée dans un véhicule de police, avec au passage le droit d’entendre dire par le policier:« elle pue la beuh »– je ne fume que des cigarillos vanilla Villiger que je vous recommande si vous êtes fumeur. Il y eut ensuite une visite du 16ème arrondissement avec gyrophare et portable à la main du policier au volant, qui me donna au passage une idée assez précise de son appétence pour notre profession de journaliste « surtout que moi, j’étais au Bataclan, c’est dégueulasse ce que certains journalistes ont fait pour avoir des images »; je me suis enfin retrouvée au poste de police de la rue de la Faisanderie, dans un hôtel particulier qui a tout à envier à ceux environnants. Comme dans le 6ème arrondissement, les fonctionnaires de la police y sont parqués dans des locaux vétustes, avec de vieux ordinateurs et dans ce couloir des cellules, plus un rouleau de papier toilette alors que bientôt une dizaine d’activistes Greenpeace allaient venir me rejoindre, dont un suisse embarqué juste parce qu’il avait applaudi de derrière les barrières.

Un magistrat pour tout Paris

« Vous n’êtes pas placée en garde à vue ». Ouf, j’échappais à des heures d’attente, apprenant au passage qu’il y a un unique magistrat pour décider de sa levée pour tout Paris! J’obtenais aussi le droit d’aller fumer une cigarette avec une policière et l’occasion de discuter avec deux gardés à vue-placés en cellule depuis la veille, pour avoir eu le malheur de rentrer chercher leurs « frères » dans leur lycée de banlieue avec interpellation à la clé, perquisition avec une dizaine de policiers et le GIGN à leur domicile respectif et obligation de prévenir leur employeur, une pizzéria qu’ils devaient prendre des RTT forcées… « On a la haine, madame, la prochaine fois je ferais vraiment un truc grave pour me retrouver dans cette cellule où j’aurai jamais dû être » me lâcha Abdel qui tuait le temps en draguant policières et tout ce qui était du sexe féminin.

Outrage et rébellion 

Calepin à la main, j’interviewais policiers et gardés à vue sous les caméras du couloir. Peut être nos conversations étaient-elles suivies en « live », dans les bureaux du dessus. Nul doute que l’on devait y regarder mon profil de A à Z, découvrir que je n’avais pas de compte Facebook, mais que JimlePariser était un média qui disait les choses, cela librement, dans ce pays qui reste, en dépit de cet état d’urgence sujet à des dérives, une démocratie bien plus confortable que des pays moins heureux comme le Maroc ou le Guatemala. Je repartais à 15 heures 30, soit trois heures plus tard mon arrestation, après que les policiers qui m’avaient arrêtés aient fait leurs déposition, munie d’une convocation pour ce lundi 14 décembre, avec pour chef d’inculpation: « outrage et rébellion ».

 Le dialogue après la violence

De quoi me laisser réfléchir pendant tout le week-end à savoir si je souhaite déposer plainte ou non et discuter, une fois sortie, avec le couple policier qui m’avait plaquée au sol, lequel me proposa de me raccompagner en voiture de police jusqu’à mon scooter. L’occasion de me retrouver avec deux autres personnes, bien différentes de celles à l’aller,  calmes et mesurées,  m’expliquant qu’ils passaient leur vie à être insultées- elle traitée de « salope et de sale arabe »-je cite et lui, d’autres noms d’oiseaux alors qu’il avait choisi ce métier « pour aider les gens ».

La violence avait fait place au dialogue. La chose était très agréable avec cette idée,  que je leur énonçais avec certaine empathie: je n’écris jamais mes articles lorsque je suis en colère. CQFD.

Par Laetitia Monsacré

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