27 novembre 2011
Les Papys flingueurs

Il était une fois le gang des Lyonnais dans la France des 70’s, des bandits de grand chemin multipliant les coups d’éclat sans violence au nez et à la barbe de la police… Leur leader, Edmond « Momon » Vidal, le gitan, figure charismatique du clan, s’est rangé après quelques années « au frais » comme l’on dit. Olivier Marchal, l’ex flic devenu cinéaste, s’est penché sur cet homme, un voyou attachant, en adaptant librement son livre autobiographique « Pour une poignée de cerises ». Après trois opus très sombres sur les dérives policières, il change son fusil d’épaule et filme ici l’univers des truands. Le résultat: un polar viril à l’ancienne, mêlant fiction et réalité historique, osant le montage alterné entre deux époques, aujourd’hui et les années 70.
Les Lyonnais, c’est avant tout une histoire d’amitié, de loyauté et de trahison, le destin de deux braqueurs, deux idéalistes, deux frères d’armes. Un monde d’hommes, magnifié grâce à un excellent casting de gueules incroyables, de visages burinés, creusés, ridés… Gérard Lanvin incarne parfaitement un « Momon »vieillissant; son charisme sauvage sied à merveille au personnage de ce caïd repenti, rattrapé par les fantômes du passé.
Une certaine nostalgie se dégage par ailleurs du film, celle d’une époque où flics et voyous se respectaient, une époque où les truands avaient de l’allure, un code de l’honneur, le respect de la famille, et de la parole donnée, à l’image des bons vieux gangsters du cinéma de Lautner. Marchal porte un regard dur et impitoyable sur cet écart de générations entre les gangs modernes – des sauvages – et les gangs classiques – des seigneurs. Avec les mots de « violence » et « éthique »qui n’ont plus les mêmes significations de nos jours.
Comme dans ses précédents films, Olivier Marchal joue sur le chassé croisé entre flics et truands, la frontière fragile entre la loi, l’ordre et le banditisme; avec cette fois-ci l’actualité qui rattrape la fiction depuis l’arrestation et l’incarcération en octobre dernier de l’ex n°2 de la PJ de Lyon, Michel Neyret. Proche de ce dernier, le réalisateur s’est inspiré de lui pour le rôle de l’inspecteur Max Brauner, joué par Patrick Catalifo. Malgré les accusations de trafic de stupéfiants et associations de malfaiteurs, Marchal a toujours défendu son pote de trente ans et a déclaré : « Quand j’ai entendu son histoire, je n’y croyais pas. C’est un incorruptible (…) J’étais en voiture. Je me suis arrêté pour pleurer ». Et d’ajouter : « un flic qui détourne de la came pour rétribuer un dealer, c’est le boulot. On faisait tous ça. Dans les années 90, on serait tous tombés… Neyret, c’est un homme bien, un flic extraordinaire, un oiseau de nuit, parce que c’est la nuit qu’on fait le boulot. Mais dans un pays aseptisé, il n’a plus sa place ». Ainsi, la filmographie d’Olivier Marchal est-elle à son image, faite de références au cinéma d’hier, et à ses illustres aînés, Coppola, Scorsese, Michael Mann, Sergio Leone. Des portraits d’hommes blessés, et d’images bleu nuit qui tirent vers le noir, comme la vraie vie.

Par Véronique Guyot

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