20 août 2013
Les ateliers d’Arles/ Plein les yeux

Sortez de la ville, vous ne serez pas déçus. A quelques dizaines de mètres de la vieille ville fortifiée, voilà les ateliers, anciens entrepôts un peu fantomatiques de la SNCF qui ont droit depuis l’an dernier à une reconversion bienheureuse. Pas moins de 25 expositions soit la moitié de celles présentées dans ces 44 ème rencontres de la photographie le sont sous les magnifiques hangars industriels ô combien propices à découvrir des photos particulièrement bien éclairées. Telles des églises des temps modernes, ils offrent ainsi, comme dans l’ancien atelier de chaudronnerie, une belle atmosphère méditative à la présentation dans une quasi obscurité de la série de Xavier Barral sur Mars, des clichés époustouflants de beauté, qui en noir et blanc ont été pris par ce robot envoyé par la Nasa pour explorer dunes, brouillards et cratères de la planète rouge. En face, une très belle installation à peine éclairée mêle sculptures, objets et tirages peints à la main tel un gigantesque cabinet de curiosité sorti de l’imagination de Jean Michel Fauquet tandis qu’un autre Français, Gilbert Garcin déroule son univers entre Prévert et Tati dans une rétrospective de ses photomontages pour la première fois exposés à Arles.

Poètes réalistes ou surréalistes

Son aventure a commencé il y a huit ans avec un stage qu’il avait gagné ici même… Depuis, son univers irrésistible a dépassé les frontières hexagonales, preuve que la créativité et le talent ont aujourd’hui toutes les chances d’être reconnus. Ce jeune homme de 83 ans a en effet su créer un style immédiatement reconnaissable qui prouve que tout amateur peut se révéler sur le tard-de quoi donner  de l »espoir à tous les photographes en herbe. Un style immédiatement identifiable, bref l’expression d’une personnalité, un regard unique, bien à soi, voilà bien ce qui fait l’artiste; il y en a beaucoup ici-de grands aux noms pourtant méconnus- comme Arno Rafael Minkkinen, Finlandais qui depuis 40 ans met en scène son corps dans la nature pour des compositions sublimes de beauté, d’une pureté inouïe. Toujours dans l’atelier de mécanique, un autre photographe poète, non pas des corps mais des émotions, le Belge Michel Vanden Eeckhoudt propose son regard doux/amer sur animaux et hommes, saisissant regard ou détails avec une grâce rare et envoûtante.

Du noir, du blanc

Tous ces clichés, en noir et blanc montrent à quel point cette technique a de quoi lutter face à l’omniprésente couleur qui s’est imposée ces dernières années grâce au numérique. Voilà ce que confirme une des révélations de cette édition, Pieter Hugo qui a eu l’idée de faire des portraits de ses amis vivant en Afrique du sud, avec un procédé numérique qui met en valeur la vraie couleur de la peau avec le soleil et qui fait apparaître bien des blancs… avec la peau quasi-noire. Un bel exercice de style tout comme celui d’Antoine Gonin, recréateur de paysages accédant à un graphisme d’une perfection esthétique rare et hypnotique. Le photographe anglais John Davies donne lui à voir le paysage comme une construction aux lignes apurées, essentiellement sur la campagne touchée par le modernisme avec des clichés là encore particulièrement remarquables.

Plus loin après une très agréable pause à l’éphémère Café des Forges, transats et terrasse ombragée, le célèbre photographe noir-américain, Gordon Park qui fut également le réalisateur de Shaft est l’objet d’une très belle rétrospective, militant infatigable contre le racisme avec pour seule « arme  » son appareil photo et ses clichés montrant la difficile situation des Noirs en Amérique jusqu’en 1960, corvéables à merci, subissant l’apartheid dans les Etats sudistes et la pauvreté. Devenu célèbre, il put ensuite photographier mannequins, Ingrid Bergman et autres stars dans ce qui fut une carrière d’une rare richesse pour un autodidacte. C’est au Zimbabwe que le photographe Robin Hammond, malgré les risques encourus  a, lui, traqué la misère et l’injustice après trente années de dictature de Mugabe-un témoignage bouleversant à travers des portraits en couleur qui semblent prendre à témoin toute la communauté internationale. Dans les jeunes talents soutenus par SFR, Bruno Fontana imagine quant à lui avec brio des photomontages montrant des lucarnes de vie à l’infini, héritage des « barres » où l’on entassa tant de familles dans les banlieues.

Photomontages, retouches ou clichés colorisés

La couleur qui n’est pas totalement boudée de ces rencontres- ce Arles in black n’a rien d’ostraciste- se retrouve dans les drôles de clichés photomontages improbables de stars hollywoodiennes de Raynal Pellicer ou colorisés comme à l’espace Van Gogh, dans le centre ville qui accueille le Studio Fouad, une sorte de Studio Harcourt égyptien avec sa galerie de portraits retouchés. Les retouches, sans doute Guy Bourdin y échappait-il en son temps beaucoup plus que les photographes d’aujourd’hui-photoshop n’étant pas né, dans les années 80 où ce génial compositeur offrit à Vogue et des marques comme Charles Jourdan toute l’étendue de son talent de metteur en scène, avec une liberté qui semble aujourd’hui bien lointaine dans les grands groupes de presse et industriels…
Vous l’aurez en tout cas deviné, ce Arles in Black est un pur bonheur accessible pour 36 euros, pour un accès illimité à toutes les expositions, ce qui est à privilégier sur le forfait journée à 26 euros qui vous laissera assez frustré vu l’offre abondante et le temps à prendre devant ces clichés pour la plupart plus qu’inspirés…

LM

Arles in Black jusqu’au 22 septembre 2013

Découvrez Gilbert Garcin sur son site ainsi que Arno Minkkinen

Clichés fascinants venus de Mars et bientôt dans un livre aux éditions Xavier Barral

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