26 juillet 2017
Les Arènes de Vérone à l’heure du Risorgimento

Festival presque centenaire, les Arènes de Vérone sont l’une des plus grandes fêtes populaires de l’opéra. Si les meilleures places affichent des prix à trois chiffres, l’amphithéâtre romain de plus de dix mille places réserve également des sièges à peine plus chers qu’une entrée de cinéma. Sous le chaud ciel étoilé, la ferveur lyrique emprunte toujours le même rituel : pour ceux qui veulent s’y prêter, on peut acheter une bougie qui illuminera les gradins et se consumera pendant que la nuit tombera progressivement sur la première partie de soirée.

Une adaptation habile

Avec de telles dimensions, le répertoire à l’affiche puise parmi les grands succès du romantisme italien, Verdi et Puccini en particulier. Aux côtés des reprises d’Aïda, Rigoletto ou Madame Butterfly, l’édition 2017 propose une nouvelle production de Nabucco de Verdi, confiée à Arnaud Bernard. Plutôt qu’une simple illustration du drame biblique, le metteur en scène français met en avant l’influence que l’ouvrage, et en particulier le célèbre choeur des esclaves, a eu dans la marche vers l’unité italienne – on se souvient que le nom de Verdi a servi d’acronyme pour le slogan « Vittorio Emanuele Re D’Italia » – et transpose la pièce au cœur du Risorgimento. Si le procédé n’est pas nécessairement nouveau, la présente lecture fonctionne remarquablement, et tire parti du gigantisme du plateau. Autour d’un Théâtre de La Scala abîmé par les bombardements, les Hébreux endossent la résistance des Italiens face aux Babyloniens aux couleurs de l’Empire austro-hongrois, tandis que chevaux et coups de feu investissent l’espace scénique, assumant une dimension spectaculaire qui s’appuie sur les décors rotatifs d’Alessandro Camera. L’historiographie se retrouve également dans les costumes et les visages, participant de la cohérence de la conception. La reprise incontournable du « Va pensiero » s’inscrit dans une représentation houleuse à la Scala de carton-pâte, jouant d’effet de miroir entre l’intrigue et la mémoire patriotique du public. Une pluie de confettis aux couleurs du drapeau italien pleuvra sur la réconciliation finale.

Nabucco en grand format

Au fil de l’été se succèdent plusieurs distributions. Dans celle du mardi 18 juillet, Leonardo López Linares incarne un Nabucco solide, et ne s’abîme pas dans d’excessives subtilités qui ne passeraient pas la vaste rampe. Rebeka Lokar lui tient tête en Abigaille, d’une autorité vindicative. Rafał Siwek condense l’aura de Zaccaria avec un grain slave, qui pourra être poli et gagner en rondeur. Mikheil Sheshaberidze s’inscrit dans les mêmes racines vocales, et fait palpiter l’impulsive jeunesse d’Ismaele, aux côtés de la Fenena lyrique d’Anna Malavasi. Les rôles secondaires ne sont pas négligés, à l’exemple du Grand-Prêtre de Romano Dal Zovo, Madina Karbeli en Anna, ou de Cristiano Olivieri, qui préserve Abdallo d’une simple figuration. On ne manquera pas les vigoureux choeurs, préparés par Vito Lombardi, ni l’Orchestre des Arènes de Vérone, qui, sous la baguette de Jordi Bernàcer, font oublier les menus décalages induits parfois par le plein air, et participent de la puissance du spectacle.

Par Gilles Charlassier

Nabucco, Arènes de Vérone, juillet-août 2017

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