17 janvier 2012
Les Antilles sans la banane

 

« Je ne suis pas là pour faire du tourisme ». Dès le pied posé hors de l’avion qui vient d’atterrir à Pointe-à-Pitre, François Hollande donne le ton. Pas de tour au marché, pas de bain de foule ésotérique à la Ségolène Royal version 2007, pas de carnaval, dont la saison bat pourtant son plein dans les Caraïbes.
La France qui vient de perdre son triple A n’est pas à la fête et le candidat la joue sobre. Costume-cravate, ton égal, sourire impassible, il refuse de faire des promesses à la Sarkozy tout en… promettant de « remettre les Outre-mer au coeur de la République ».

François II

« Quand l’Hexagone va mal, l’Outre-mer va encore plus mal », répète le candidat de la jeunesse dans des départements où le chômage des moins de 30 ans atteint des records – 60% dans la seule Guadeloupe.
« L’Outre-mer est une chance pour la France », assure « François II », comme le surnomme l’élu de Guadeloupe Félix Desplan.
Le candidat rencontre des chefs d’entreprise, demande aux élus de le soutenir, mobilise 1,7 million d’ultra-marins plutôt abstentionnistes et écoute les encouragements des Antillais – « Tchimbe red, na moli ! » (« Tenez bon! ») – comme il recevait les « Cramponnez-vous » des retraités une semaine plus tôt en Corrèze.
En Martinique, l’immense poète Aimé Césaire, disparu il y a quatre ans, souffle au « candidat normal » le dernier mot de son meeting, une bien belle formule : « L’espérance lucide ».
Au premier rang, Valérie Trierweiler écoute son homme, pour qui elle abandonné le journalisme politique, qu’elle suit désormais partout. « Elle est elle », dit Bruno Le Roux, porte-parole de François Hollande aussi du voyage. « Elle est la compagne à la présidence de la République, elle partage une aventure politique qui est extraordinaire ».
Entre deux visites, Christiane Taubira, ancien soutien d’Arnaud Montebourg à la primaire socialiste, joue sa petite musique, affirmant qu’elle gardera toute sa liberté dans cette campagne et que le mot rigueur ne lui fait pas peur.
Sur la jetée de Fort-de-France, François Hollande se fraie un chemin vers la mer et atterrit juste au-dessous d’un panneau « interdit de plonger » -dans les sondages ?

Rythme d’enfer

Dernière étape : Cayenne, porte de l’Amazonie où son avion s’y prend à plusieurs fois pour atterrir dans la moiteur verte de la saison des pluies qui fait résonner les gouttes sur des feuilles géantes et chanter partout des animaux invisibles aux cris inconnus.
Trois heures avant de reprendre l’avion pour Paris, visite d’une banlieue pauvre de Cayenne étonnamment baptisée Rénovation urbaine.« Bienvenue, honneur à la Guyane », chantent les danseuses en faisant lascivement osciller leurs robes madras au son des tambours. « Hollande président », lance un homme enchapeauté de son balcon rouillé. « Que faites-vous contre l’insécurité », demande une habitante déçue par un Nicolas Sarkozy qui avait écouté ses mêmes doléances quand il était ministre de l’Intérieur.
« On vous a fait des promesses, je ne sais plus qui, mais on va le retrouver », a dit François Hollande. « J’ai entendu votre appel et n’aurez pas besoin de 10 ans pour me retrouver et me demander ce que j’aurai fait ».
« La Guyane a plein de ressources mais la plus belle ressource ce sont les hommes et les femmes qui y vivent », dit-il avant de repartir. Assis à deux pas du candidat, des joueurs de dominos n’ont pas arrêté une seconde leur partie.
François Hollande remonte dans sa voiture, les journalistes de métropole rejoignent leur bus. La caravane repart.
Mais, sur la route de l’aéroport, quelque part dans le ciel, au-dessus des arbres, raisonnent encore, comme partout, les mots d’Aimé toujours aimés : « Debout dans les cordages, debout à la barre, debout à la boussole, debout à la carte, debout sous les étoiles. Debout et libre »

 

Par Jim

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