16 octobre 2014
Légendes russes à Pleyel

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Régulièrement invité par l’Orchestre de Paris, Guennadi Rozhdestvensky est un des derniers témoins vivants d’une grande tradition musicale russe, ce qui lui offre l’avantage de pouvoir faire passer des œuvres rares et méconnues. Ainsi en est-il du Fragment de l’Apocalypse de Liadov, disciple de Rimski-Korsakov, page qui déploie des contrastes pittoresques et des trouvailles originales – la fin confiée aux percussions avant de s’évanouir dans le silence en donne un exemple saisissant –, mais d’une structure lâche. Egalement élève de Rimski-Korsakov, Glazounov, que les balletomanes connaissent avec Raymonda, fait parfois songer à Rachmaninov dans son Premier Concerto pour piano – en moins habile railleront certains. Si l’Allegro initial souffre d’une certaine pesanteur dans la lutte entre tutti et solistes, le mouvement à variations témoigne d’une maîtrise indéniable d’une variété de styles que met bien en valeur Viktoria Postnikova dans une lecture sensible et sans surcharge expressive. Après des masses sonores parfois compactes, la pianiste russe revient à Liadov pour un bis scintillant, Tabatière à musique, d’une mécanique exquise.

Une profonde sincérité

Proche ami de Chostakovitch, Guennadi Rozhdestvensky en est l’un des interprètes les plus fidèles, et sa lecture de l’ultime – la Quinzième – symphonie du compositeur russe l’illustre remarquablement. Nul besoin de surexposer les pupitres pour les éclairer, les solos du violon, violoncelle, clarinette basse, parmi les nombreux qui se succèdent au fil de la partition, se fondent, sans s’y perdre, dans un souffle large et généreux : la citation de l’ouverture du Guillaume Tell est parfaitement intégrée dans la progression organique de l’œuvre. Le chef russe sait où il va, et si la tension ne maintient pas toujours sa constance sur la durée de l’Adagio, le finale, ponctué par le motif du destin du Crépuscule des Dieux de Wagner, distille une mélancolie un peu détachée, d’une profonde et émouvante sincérité. Un grand chef, toujours alerte à quatre-vingt-trois ans. Il reste des places ce jeudi pour entendre deux légendes russes avec l’Orchestre de Paris à Pleyel.
Gilles Charlassier
Orchestre de Paris, salle Pleyel, 15 et 16 octobre 2014

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