24 janvier 2013
Le vivant en danger

« Paris est la seule ville du monde à pouvoir proposer deux fois par an une telle affiche... Bernard Murat, Président du syndicat des Directeurs du Théâtre Privé-50 salles sur Paris- a toutefois nuancé son cocorico avec une situation alarmante: une baisse de la fréquentation significative de 10 % pour 2012, même si la fin d’année a été comme à l’accoutumée, bonne. Le Théâtre de la Villette-ayant permis la découverte d’auteurs comme le talentueux Joël Pommerat- et subventionné par la Ville de Paris n’y a toutefois pas résisté-tandis que d’autres voient le jour comme le Poche Montparnasse repris par la fille de Philippe Tesson, Stéphanie. La très talentueuse compagnie Ecla Théâtre, spécialisée dans les classiques revisités pour le jeune public est quant à elle en liquidation, ayant annulé toute sa saison pourtant formidable et drainant un public nombreux, victime de sites internet comme Billet reduc ( racheté par Lagardère vu ses profits record) aux pratiques de  charognards…Quant aux subventions, Aurélie Filippetti doit gérer des coupes drastiques, qui n’empêchent pas la gabegie dans certains théâtres publics où les spectacles qui pourraient l’être, ne sont même pas prévus pour une quelconque rentabilité…

Petits budgets pour grandes émotions

Mais, cela ne saurait gâcher le plaisir d’aller sentir des comédiens face à vous sur scène, prêts à tout donner pour faire vivre cette magie du théâtre qui bénéficie de tarifs de plus en plus attrayants. 10 euros la place pour les jeunes dans le privé, 15 euros pour les premiers prix sur abonnements ou demandeurs d’emploi dans le public (on est à 8 euros la place à Chaillot pour les bénéficiaires de minima sociaux), ou la dernière minute à 6 euros à l’Odéon, tous font des efforts pour que vous puissiez découvrir cette saison Beckett et sa Fin de partie version exigeante d’ Alain Françon-« Pourquoi ne me tues-tu pas? -Je n’ai pas la combinaison du buffet..  » à l’Odéon jusqu’en février suivi d’ une création de Joël Pommerat aux Ateliers Berthier, puis Labiche avec Jacques Weber dans Le prix Martin et Le Misanthrope de Molière au printemps. Le Théâtre de la Colline accueille quant à lui, une jeune auteure allemande Anja Hilling, Tristesse de l’animal noir que son directeur talentueux Stéphane Braunschweig, présente comme un nouvel Incendies -chef d’oeuvre de Wadji Mouawad. Suivront Ferdinand Bruckner-contemporain de Brecht et Horvath puis Ibsen tandis que les Bouffes du Nord continuent leur programmation bienheureuse avec Guillaume Vincent, La nuit tombe, le génial acteur André Wilms Qu’on me donne un ennemi, ou de la musique avec Purcell, Didon et Enée ou Mozart, de retour avec la version merveilleuse de la Flûte enchantée par Peter Brook en juin.

Ribes et Podalydès, valeurs sûres du public

Le Rond Point, lui aussi , vous offrira des soirées réjouissantes avec la reprise du Théâtre sans animaux de Jean Michel Ribes ou Tout est normal, mon coeur scintille, merveille de poésie de Jacques Gamblin en février-mars. Au printemps, Handke et Dubillard seront à l’honneur avec également quantité de spectacles à découvrir dans les deux petites salles du Rond Point. Quant à Chaillot, il accueille en février, Denis Podalydès à la mise en scène sur un texte d’Emmanuel Bourdieu, puis des magiciens revisitant Cocteau et sa Belle et la bête, de la danse avec Le sucre du printemps ou Béjart ballet Lausanne en juin et à nouveau Wadji Mouawad, avec Seuls (on espère plus inspiré que pour sa dernière pièce ici-même) ou Fadhel Jaïbi qui après Amnesia, revient avec Tsunami en Mai.

La Comédie-Française qui vient de réintégrer la salle Richelieu, ouvre sa saison avec  Shakespeare et l’entrée au répertoire de Troïlus et Cressida-histoire d’amour et de guerre- jusqu’en mai, Hugo avec Hernani, Molière bien sûr, Le Malade imaginaire mis en scène par Claude Stratz, l’Avare vu par la sociétaire Catherine Hiegel, et honneur aux dames, Muriel Mayette, la patronne, qui signe la mise en scène d’Andromaque de Racine. Reprise également de l’irrésistible Fil à la patte version Jérôme Deschamps (3 Molières en 2011) ou du Cyrano de Bergerac par Podalydès ( 6 Molières en 2007), des Trois soeurs de Tchekhov par Alain Françon. Création au Vieux Colombier de La tête des autres de Marcel Aymé et la place Royale de Corneille et, très attendue, en mars Phèdre dans une première mise en scène du russe Dmitri Tcherniakov, familier des opéras européens, avec notamment Pierre Niney, passé avec succès au cinéma.

Une saison pleine de reprises dans le privé

Côté théâtres privés, beaucoup de prolongations ou reprises en 2013 avec ce principe « d’aller jusqu’au bout du succès… » avec des comédiens tels que Robert Hirsch et Isabelle Gélinas qui font un carton mérité au Théâtre Hebertot dans le Père de Florian Zeller. Celui-ci offre à Fabrice Luchini Une heure de tranquillité au Théâtre Antoine dès le 24 février. Pascale Roberts qui s’était fait trop rare revient dans le délicieux Gigi de Colette au Théâtre Daunou à partir du 25 janvier; Catherine Frot revient en Winnie avec Oh les beaux jours à l’Atelier en mars, prenant la suite de Charles Berling qui sera Glenn Goud et Yehudi Menuhin tandis que Ravel sera à l’honneur à l’Artistic Athévains grâce à Jean Echenoz. Au studio des Champs Elysée, Le Porteur d’histoire offre une pièce s’inspirant de Dumas avec la découverte d’un manuscrit. Anny Duperey sera La folle de Chaillot de Jean Giraudoux à la Comédie des Champs Elysées à partir du 2 février, tandis que Pierre Arditi  joue les prolongations avec Comme s’il en pleuvait au Théâtre Edouard VII où l’on pourra retrouver Quadrille avec François Bérléand en mai. Roland Giraud est quant à lui Un homme trop facile du décidément prolixe Eric-Emmanuel Schmitt à la Gaité Montparnasse  tandis que La Conversation de Jean d’Ormesson reprend à 19 heures au Théâtre Hebertot. Ne ratez pas Le journal d’un poilu au Théâtre de la Bruyère à partir de février ou le Bal de la grande Irène Némirovky au théâtre de la Huchette. Michel Aumont revient avec Didier Sandre et Collaboration au Théâtre de la Madeleine le 20 janvier et l’écrivain Claire Castillon et les vies des gens, Les Bulles, s’installent au petit Marigny jusqu’en mars.

Balmer, Deutsch, Duperey

La promesse de l’aube, après le Petit Saint Martin revient aussi avec Bruno Abraham-Kremer pour savourer à nouveau Romain Gary et sa mère omniprésente aux Mathurins tout comme Des fleurs pour Algernon  au Petit Saint Martin et Le songe d’une nuit d’été de Nicolas Briançon avec Lorant Deutsch dans la grande salle. Myriam Boyer campe elle, une chanteuse célèbre de l’entre-deux guerre avec Riviera  au théâtre Montparnasse où Michel Leeb continue sur sa lancée dans Drôle de père, tout comme la merveilleuse Françoise Thuries dans Yallah, la vie de soeur Emmanuelle mise en scène par le trop rare Michael Lonsdale au Théâtre Michel.  Céline est à l’honneur du Théâtre de l’Oeuvre avec Jean-François Balmer qui s’attaque après Luchini au mythique Voyage jusqu’au bout de la nuit tandis que Christian Guidicelli fait son Tour de piste au Petit Théâtre de Paris. A l’image de François Morel qui a Carte blanche à la pépinière Théâtre. Le Poche Montparnasse fait sa réouverture avec Audiberti, Le Mal Court, et Inventaires avec les grandes Judith Magre et Edith Scob. Francis Lombrail, codirecteur du Théâtre Rive gauche monte sur ses planches dans A tort ou à raison le 11 février, une histoire de compromission artistique sous le III eme Reich.

Alors, pas sûr que d’ici juin, vous ayez le temps de tout voir, mais voilà une idée du menu et n’oubliez pas d’éteindre vos portables…

Par la rédaction


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