28 octobre 2012
Le tiret

Présenté au Festival de Deauville, Into the Abyss parle de tiret. De ce trait d’union qui s’inscrit sur la tombe entre votre date de naissance et celle de votre mort. Là réside toute votre vie, du moins ce que vous en aurez faite conclut le documentaire de Werner Herzog, confirmant qu’il est un grand réalisateur. Comme lorsqu’il montre un champ de croix; pas des victimes de guerre comme dans les cimetières militaires mais les tombes de tous ces condamnés à mort en Floride. Le chef de la salle d’exécution interrogé en a 120 à son crédit. Jusqu’à celle de trop, une femme qui lui a fait revoir tous ces visages, ces regards de condamnés qu’il sanglait vivants puis désanglait , morts. « Nul ne peut tuer quelqu’un, même pour respecter la loi ».

La peine de mort dans sa réalité

La loi qui, dans cet état républicain qui nous doit la famille Bush, permet de tuer qui a tué. Car ce fantastique documentaire est avant tout l’histoire-sans aucun commentaire, le réalisateur de Aguirre, la colère de Dieu est bien trop fin pour cela-ses questions qu’il a gardé au montage parlent d’ailleurs pour lui-de deux jeunes qui, à dix huit ans tuent une femme en train de faire ses cookies pour lui voler sa voitures puis tuent à nouveau, son fils et un copain dont ils ont « amis » pour récupérer le pass  permettant de sortir la voiture de la résidence surveillée. Les victimes collatérales, Herzog les a toute interrogées; de la soeur qui a coupé sa ligne de téléphone pour ne plus jamais l’entendre sonner pour qu’on lui annonce la mort de quelqu’un et qui sent son coeur se desserrer quand elle assiste à l’exécution du jeune tueuer, en passant par le frère de l’autre victime, que les flics viennent chercher à l’enterrement pour le reconduire en prison.

En prison de père en fils

Car à travers ce fait divers, c’est toute une Amérique que l’on découvre; la drogue, l’alcool, les vols pour s’en procurer et voilà le père qui va en prison, laissant une mère handicapée et ses quatre enfants dans des logements sociaux. Jack est né avec une malformation, 18 opérations bébé, le père en prison, c’est là qu’il ira le chercher en y allant lui même comme dans cette scène incroyable que le père décrit; lui et son fils enchaînnés aux même menottes dans le car qui les conduit à la prison, y retrouvant un autre frère, lui aussi incarcéré pour fêter Thanks giving…Ce père qui sauvera la peau de son fils, Jason, en racontant à la barre son absence, ce fils laissé à lui même; ce sera donc la perpétuité au lieu de la mort comme son complice. De celui ci, Michael, on ne saura pas grand chose sauf qu’il est là sur l’écran souriant dans l’isoloir, avec un regard d’une vivacité effrayante. Qui a commis le crime, chacun renvoit la faute sur l’autre. Le problème des armes que l’on achète plus facilement qu’une console de jeu n’est pas non plus abordé. Là n’est pas la question. On parle ici de vies brisées, volées, de commisération dans un pays qui ressemble encore au Far Ouest, surtout lorsque les flics se mettent à tirer. Personne n’essaye de comprendre, on enferme ou on ôte la vie c’est tout. On peut choisir aussi de la donner comme cette femme qui décide d’épouser Jason en prison car elle a vu un arc en ciel en sortant de la visite; et s’arrange pour être enceinte -sans contact physique -de cet homme qui ne sortira qu’en 2041, soit à 69 ans…Voilà l’épilogue de ce film incroyable avec juste une réserve dans la première demie-heure pour les zooms sur les scènes des crimes, un peu voyeuristes et qui n’apportent rien face à la force des témoignages de ces êtres dont le tiret est à jamais brisé par ces crimes.

LM

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