23 octobre 2011
Olivier Py, Le théâtre avant tout

Olivier Py n’a pas de secrétaire. Et ne fait pas attendre, dévalant comme un jeune homme l’ escalier de l’entrée des artistes du Théâtre de l’Odéon. L’égo bien placé en quelque sorte, là où il doit être-dans son oeuvre. Celle ci est nombreuse et variée -plus d’une vingtaine de pièces écrites et mises en scène,  une dizaine écrites par d’autres auteurs,  des opéras montés sur toutes les grandes scènes européennes et autant de films comme acteur plus un téléfilm pour Arte, les Yeux fermées en 2000 comme réalisateur. Tout cela depuis qu’il a créé il y a vingt trois ans sa compagnie « Au nom des boutures », lesquelles semblent avoir bien prises avec sa nomination en 2007 à la direction de ce théâtre mythique dont il devra passer le relais à Luc Bondy en mars prochain. En attendant, en ce début d’automne, il fait beau, l’occasion de profiter de la terrasse sur l’esplanade du théâtre, lieu convivial par excellence qu’il a initié,  concevant définitivement le théâtre comme un tout.

 

Comment le jeune homme né il y un peu plus de quarante ans dans le petit village de Mouans Sartoux près de Grasse s’est -il retrouvé là? Vous aviez de l’ambition?

Certainement… Je suis monté à Paris pour faire une khâgne et une hypokhâgne après un bac scientifique, ma première erreur d’orientation! J’étais au lycée Fénelon, un peu plus bas-il montre la rue-et puis en même temps j’ai commencé à écrire, à monter des spectacles  et  je suis entré au Conservatoire.

Le théâtre s’est imposé comment?

A cette époque, je voulais tout faire; du cinéma, du théâtre, chanter- qui est une autre grande passion de ma vie (qu’il assouvit pleinement avec la mise en scène d’une vingtaine d’opéras dont un magistral Rake’s Progress à Garnier en 2008 et le très inspiré Mathis le peintre à Bastille l’an dernier). J’avais un peu trop de destins, la vie a choisi pour moi!  J’ai raté l’Idhec ( célèbre école de cinéma) et cela a été très constructif comme le sont souvent les échecs…Alors, j’ai travaillé,  surtout dans l’underground- je n’étais pas très institutionnel, non plutôt franc tireur. Il y a eu beaucoup de petits spectacles qui m’ont permis de constituer une famille. C’est d’ailleurs avec eux que je travaille encore aujourd’hui comme Pierre André Weitz, mon décorateur ou Michel Fau, mon partenaire éternel.

Michel Fau est justement passé dans le théâtre privé. C’est quelque chose que vous auriez pu faire?

Ah non, j’aime passionement le public. Mais je n’ai rien contre le privé. Il faut le défendre d’ailleurs. Non, dans le théâtre public, j’aime l’idée de responsabilité, que l’on est redevable au citoyen. On a une responsabilité politique- moi, je suis content lorsque je vois qu’on a élargi socialement le public. Je pense que c’est le politique que j’aime. Mais on peut faire de grandes choses également dans le privé comme avoir des actrices comme Audrey Tautou, merveilleuse dans la Maison de poupée d’Ibsen  et avec laquelle je serais ravi de travailler.

Les boissons commandées arrivent. Olivier Py attrape ma carafe d’eau , « Je vous en prends un peu, Ah merci! » pour « mouiller » son café. Le ton est directif, rapide. J’apprends qu’un café avec du sirop d’orgeat s’appelle un velours-cet homme dont la voix semble ne pas avoir fini de muer- a décidément réponse à tout.

Vous êtes triste de quitter ce théâtre où vous étiez fort apprécié?

Ils sont malheureux? Pas tous, ils sont 150 et je ne pense pas qu’il seront tous à pleurer sur le perron du Théâtre au mois de mars! On s’attache aux gens mais c’est surtout l’idée de mettre un coup d’arrêt à un projet qui n’était pas seulement culturel. C’était aussi  un projet social et politique. Ce café par exemple, ça a été une vraie bataille pour qu’il existe, j’ai quand même mis deux ans pour y arriver. Aujourd’hui, je dois partir mais enfin, on ne m’a rien reproché! Il répéte, la voix un peu éteinte. On ne m’ a rien reproché, non,  le Ministre ( Frédéric Mitterrand)  ne m’a rien reproché. Je lui reconnais cela, il ne m’a rien reproché. Il reprend un peu perdu dans ses pensées. Il m’a reproché de ne pas être assez européen ( Le théâtre de l’Odéon a été rebaptisé théâtre de l’Europe en 1990) mais j’ai pu lui démontrer assez vite qu’il n’avait pas bien travaillé sur ses dossiers et que c’était plutôt l’inverse. Que l’activité européenne au contraire avait été extraordinairement élargie. Et il l’a reconnu donc voilà, on ne m’a rien reproché.

Qu’avez vous préféré faire pendant ces cinq ans?

Du théâtre. La réponse a fusé. Non,  mais au moins je parle sincèrement ! D’abord les spectacles que j’ai pu faire en tant qu’artiste  et que j’ai pu coproduire. S’il on devait ne se souvenir que d’un? Les Enfants de Saturne car c’est celui que tout le monde a détesté! Non, bien sûr parce que c’est mon préféré, car le plus radical, le plus dur, le plus violent. Une étoile noire dans mon ciel.

Que peux-t’on vous souhaiter à partir d’avril?

Déjà une belle année à l’Odéon, il y a encore pratiquement une année où j’ai essayé d’avoir des spectacles classiques-Roméo et Juliette, Mademoiselle Julie et modernes, des découvertes et des valeurs confirmées comme Juliette Binoche avec un spectacle qui arrive d’Avignon.

Justement, ce spectacle a été l’objet de pas mal de critiques

Il va y avoir des modifications et le spectacle va être retravaillé. Il s’enflamme. Mais, moi,  les critiques ne m’ont jamais fait faire de modifications! Enfin, les critiques professionnelles… d’ailleurs je ne les lis pas. Bonnes ou mauvaises, je ne lis plus les critiques depuis dix ans. Maintenant, il y a des personnes qui connaissent bien mon oeuvre et dont j’écoute l’avis. Il revient à la charge. Non, je ne lis pas les critiques. C’est très nocif je pense pour un créateur; quand c’est mauvais ou quand c’est bon. C’est d’ailleurs encore plus destructeur quand c’est bon! Le serveur lui apporte la note. « Je vais vous faire une signature lui dit-il tout doucement. Je suis le directeur du Théâtre. Un petit Cra-yon s’il vous plait… » Il reprend,  sans avoir perdu aucunement le fil de l’entretien. Alors, ce que l’on peut me souhaitez? Bah, d’avoir plein d’énergie pour le festival d’Avignon 2014 puisque c’est mon destin! Je vais avoir un an et demi pour réfléchir à ce que l’on veut faire de ce festival;comment y introduire du politique, du social. Et en ce moment je monte une pièce de moi même à Berlin, Die Sone qui sera reprise en mars. Voyant que je l’écrit avec un z, il me corrige- « c’est  le soleil, ah, vous n’êtes pas très bonne en allemand visiblement… ». Je suis arrivé ce matin et je repars demain. Ensuite il y aura le Prométhée, qui sera la dernière pièce d’Eschyle- j’aurai monté tout Eschyle à l’Odéon- les sept pièces. Ce sera à Berthier, l’autre salle de l’Odéon.

Vous auriez envie de quoi si je pouvais exaucer un de vos voeux?

C’est une bonne question, laissez moi réfléchir…J’aimerais avoir une quinzaine d’heures en plus par jour. Pour faire plaisir à ceux qui trouvent que j’en fais un peu trop, je pourrais en faire encore un peu plus! C’est bien, non?

Olivier Py est déjà debout, prêt à s’envoler sans s’attarder vers l’entrée du Théâtre où il a une rencontre- sa préférence- avec le public.

par Laetitia Monsacré

Articles similaires