2 décembre 2017
Le sida, encore et toujours

 Hier, 1er décembre 2017, c’était la trentième journée mondiale de lutte contre le sida. Initiée en 1988 par l’OMS devant l’ampleur que prenait une pandémie apparue au début des années 80, cette trentième édition n’aura pas encore vue l’éradication de l’épidémie, en dépit des moyens alloués. Pourtant en trois décennies, les choses ont évolué. On ne meurt plus du sida, la phase terminale de l’infection au VIH, devenue une maladie chronique presque comme les autres. Le développement des trithérapies a radicalement fait chuter le taux de mortalité d’une maladie qui touchait alors d’abord les homosexuels et les toxicomanes – les monuments en mémoire des victimes du sida comme celui que l’on trouve sur Church Street à Toronto en témoignent : tandis que les disparus au début des années 90 s’égrènent sur de longues listes, leur nombre chute de manière spectaculaire à partir de 1996-1997. On ne peut que se réjouir des progrès de la médecine, qui a par ailleurs réussi à produire des traitements moins toxiques, avec moins d’effets secondaires. L’espérance de vie des séropositifs se rapproche désormais de la moyenne.
Le revers de la médaille, c’est que la maladie ne fait plus aussi peur aux jeunes générations, qui multiplient les pratiques à risque. On a jadis polémiqué sur le prêche de feu Jean-Paul II, assénant que le meilleur des préservatifs était la fidélité. C’était d’ailleurs se méprendre sur le rôle du chef de l’Eglise que d’attendre de lui une bénédiction de la liberté sexuelle. Pourtant, on ne saurait nier que la multiplication des partenaires augmente le risque de contaminations vénériennes, surtout quand on s’abstient du latex. C’est une loi de la nature : la promiscuité favorise virus et bactéries, l’élevage intensif l’illustre exponentiellement – c’est pour cela qu’on gave les animaux d’antibiotiques. Mais inutile de plaider un retour à l’ordre moral, qui de toute façon revient plus au galop qu’on ne le croit – l’époque est avide de victimes.
 
Le prix de la liberté : un suivi régulier
 
L’arrivée de la PREP, le Truvada utilisé en prévention, aux Etats-Unis depuis plusieurs années, et en France depuis 2016, constitue certes un nouvel outil pour réduire le nombre de nouvelles contaminations – on compterait dans l’Hexagone environ 5000 « Prépeurs », essentiellement des gays, avec une concentration évidente dans la capitale. Pour autant, plus encore que cette pilule un peu hâtivement qualifiée de miracle pour qui veut se passer du caoutchouc, c’est surtout le suivi régulier des patients   bénéficiaires qui se révèle un outil efficace – il leur est demandé au moins un test par trimestre pour l’ensemble des IST. Car un séropositif régulièrement traité depuis au moins six mois devient indétectable, et cesse de transmettre le virus : les contaminations sont d’abord le fait de personnes exposées qui ne connaissent pas leur statut sérologique.
Et c’est bien la question du dépistage – et des traitements pour les pays en voie de développement, et singulièrement l’Afrique – qui se révèle essentielle. Car si les centres anonymes accueillent une population plus diverse que d’aucuns n’imagineraient – non ce ne sont pas des annexes du Marais – il ne sont pas équitablement répartis sur le territoire, mais surtout, restent largement ignorés par les personnes issues de l’immigration, et notoirement subsaharienne. Ignorance de la contraception, femmes soumises, excisées, parfois contraintes : inutile de s’arrêter aux clichés, mais force est de reconnaître que l’évolution des comportements relève d’un levier indispensable pour endiguer le sida, comme tant d’autres calamités. L’éducation d’abord, pour un apprentissage de l’autonomie, bien au-delà du réflexe latex.
 

Par Gilles Charlassier

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