4 janvier 2012
Le poète au porte plume

Il est des petits bonheurs et des émotions qui se glissent là où on ne les attend pas. La poésie qui débarque dans les rues grises et qui illumine votre journée comme un rayon de soleil. Le coeur est réchauffé, la vie parait quelques instant plus légère. Voilà l’effet magique des dessins de Sempé que la ville de Paris propose dans une exposition gratuite dans l’Hôtel de Ville. Prévoyez du temps car vous aurez envie de voir attarder sur chaque dessin de cet homme qui dit « ne rien vouloir dire mais seulement vouloir faire » dans cette rétrospective présentant son travail depuis les premiers dessins publiés dans Sud ouest puis grâce à Françoise Giroud dans l’Express et  l’aventure avec René Goscinny du Petit Nicolas jusqu’à sa collaboration miraculeuse avec le New Yorker. Vous éclaterez de rire devant ce dessin où un homme péchant au dessus d’une voie ferrée dit aux enfants qui le tirent par la manche « Taisez vous, puisque vous avez cassé mes lunettes hier, vous ne vous baignerez pas. « L’humour est décalé plein de douceur et de naiveté comme chez son maitre, Jacques Tati. Ses thèmes favori, la coexistence des adultes et de l’enfance, lui qui n’en eu pas une très gaie. Sempé aime les artistes, musiciens croqués dans des orchestres ou écrivain ratés comme cet homme qui s’étonne: « J’ai raconté dans mes livres ma vie médiocre, ce qu’il y avait dans cette vie médiocre? Mes amours et mes aspirations médiocres. Je sais il y beaucoup de gens médiocres, c’est pourquoi je ne m’explique toujours pas le faible tirage de mes livres » ou encore « J’aimerai pousser une longue plainte jusqu’à 100, 150 000 exemplaires » à moins que peintre, il vienne à s’adresser devant son chevalet  aux arbres « Tout d’abord, je me présente, Cesar Lavergne, plusieurs médailles, or, argent et bronze dans divers salons ».

L’aventure New Yorkaise

Vous l’aurez compris, les légendes sont au niveau des dessins qui s’en passent même bien souvent; à celui qui les regarde alors de faire ses propres commentaires. Sempé nous rend ainsi intelligent se contentant de suggérer avec humilité. Comme dans son album: Saint Tropez Forever et ce dessin où des bolides passent à côté des tracteurs et des jolies filles dénudées croisent à vélo des fermières coiffées de  fichus. Ses thèmes de prédilection, la solitude ou ce qui vous différencie des autres au milieu de ces foules anonymes comme cet homme arborant un panneau en marge d’une manif  « J’ai mal partout ».  Cela fait de lui un visionnaire comme ses dessins qui dès 1981 montrent des écrans plats ou casques d’écoute devenus tellement actuels et familiers, lui qui au contraire dit « avoir été gâteux très jeune en aimant des choses qui étaient déjà démodées ». Les américains ne s’y sont pas trompés en lui ouvrant les portes en 1978 du New Yorker signant à son tour ses célèbres couvertures arborant juste un dessin. Pour eux, il cède à toutes les exigences, certain de leur bien-fondé; de là une vingtaine de dessins dont le plus récent date d’à peine un mois, réalisé avec de l’encre de chine et de l’aquarelle. Et même s’il est devenu bien difficile de dessiner un autobus car    « ils ressemblent tous aujourd’hui à un car ou un camion de livraison », Sempé continue inlassablement à croquer notre quotidien – intemporel au point d’être en couverture du Télérama de cette semaine-revendiquant que rien n’est plus beau que le dessin humoristique.

LM

Jusqu’au 11 février 2012 de 10h à 19h à l’hôtel de Ville de Paris avec une dédicace prévue de son livre « Un peu de Paris et d’ailleurs » au BHV le 9 novembre de 17h à 19h.

Retrouvez également ses dessins en vente à la Galerie Martine Gossiaux, son éditrice et commissaire de l’Exposition 56 rue de l’ Université Paris 7e qui représente également Savignac, Steig, Chaval…

 

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