24 avril 2017
Le patron ou la patrie

Hier le Barça a battu le Real. La Seine musicale a également ouvert sur l’Ile Seguin, vaste paquebot de ciment qui a couté trois fois moins cher que la Philarmonie et ça se voit…Quoi d’autre? Avec 53 heures d’antenne, le duel Macron/Le Pen a enflammé la bonne vieille télévision, plébiscitée par dix millions de français, France 2 en tête. Beaucoup de salive, beaucoup d’encre pour un constat: les français ne votent plus comme avant. « La gauche n’est pas morte » pour Hamon, « Il est temps de liberer la France « pour Le Pen, et pour Macron, un « il me revient de rassembler » entrecoupé des « Brigitte » des militants présents Porte de Versailles. Quant à Mélenchon, il y a cru jusqu’au dernier moment, refusant dimanche soir d’appeler à contrer le FN comme il l’avait fait en 2005. Le vote blanc est tentant mais avec Sens commun qui appelle à voter Le Pen et quatorze jours de campagne qui va être des plus âpres, on vote Macron?

La fin des partis de gouvernements ?

Benoît Hamon, écrasé de solitude, a pris la parole le premier. Il assume seul une responsabilité collective. Il parle en homme responsable et endosse la défaite historique du Parti socialiste alors que d’autres s’en lavent les mains et s’en félicitent presque. Jusqu’au bout, il n’aura pas ménagé sa peine et n’aura pas dévié de sa volonté de parler à l’intelligence des français, loin des discours faciles et automatiques qui lui auraient sans doute mieux réussi. Le transformer aujourd’hui en fossoyeur de la gauche et en syndic de faillite du Parti socialiste n’est pas fair-play, ni crédible. Avec ce score famélique, presque aussi affligeant que Gaston Defferre en 1969, tout est à reconstruire, mais le cœur y sera-t-il ? En attendant, pour lui, c’est clair, on vote Macron.

Une petite quinzaine de minutes plus tard, François Fillon s’applique à se trouver encore des excuses. Après le discours responsable de Benoit Hamon, voici le discours d’un homme irresponsable. Non rien n’est de sa faute et son mea culpa, sorte de cilice chrétien, ne trompe personne. La presse et le lynchage médiatique sont responsables de cette défaite. Deux points le séparent de Marine Le Pen. Il aurait peut-être perdu au second tour face à Emmanuel Macron mais il aurait au moins sauvé l’honneur de son camp et le sien. Mais sans doute cela fait-il déjà longtemps que l’honneur de François Fillon a déserté, tout comme de nombreux électeurs de droite qui ulcérés et pourtant avides de victoire après cinq ans de socialisme, ont choisi de le sanctionner. Pour la première fois de son histoire, la droite républicaine est absente du second tour. Pourtant son score n’est pas si maigre, il se situe dans l’étiage chiraquien, 19-20%. Il a été renvoyé à ce qu’il est : un candidat RPR. Emmanuel Macron, lui, a su rafler les électeurs de l’UDF. Les Républicains sont à nu. Nicolas Sarkozy se frotte les mains et espère déjà compter en 2022. En attendant, pour lui, c’est clair, on vote Macron.

La défaite des contestataires

Marine Le Pen lui succède sur nos écrans. Sous les hourras de ses partisans elle déclame un mauvais discours qui ressemble à un discours de défaite. Elle le sait, son score est trop mince et il y aura peu, voire pas, de ralliements en sa faveur. Déjà le front républicain se met en place et l’isole. Elle aurait voulu sortir en tête, triompher un peu. Elle sait déjà qu’elle a perdu. Sur les plateaux, ses lieutenants – mis à part Marion Maréchal-Le Pen, toute à sa joie et pensant à son futur destin personnel – sont blêmes. Florian Philippot rame dans son argumentaire pour aller grappiller quelques maigres soutiens, Louis Alliot parle d’espérance mais connaît trop bien l’arithmétique pour croire un seul instant que la victoire est possible. Marine Le Pen, bon petit soldat, est quant à elle déjà repartie au combat. Car même si la défaite s’annonce, ce n’est pas la même chose de perdre au second tour avec un score de 20% ou perdre avec un score avoisinant ou dépassant les 40%. Voilà son nouveau combat. Perdre, certes, mais avec un score suffisant pour peser demain et ne pas voir sa présidence remise en cause. Elle joue sa peau. En attendant ça guinche à Hénin-Beaumont.

Qu’il a été long à venir ! Le leader de la France Insoumise, visage fermé et déçu, prend la parole et comme à son habitude ne peut s’empêcher de mordre ! Il est en colère, une colère froide qui lui fait ânonner un discours décousu. Le tribun n’est pas à la fête ! Il peste. Il faut dire qu’il y a cru. Qu’ils y ont cru tous les militants insoumis. Echouer de si peu, à deux petits points de la qualification. Mais ce score énorme, plus de 19% est un score qui engage et qui reflète que son message est passé dans l’opinion. Maintenant qu’en fera-t-il ? Vaste question, vaste interrogation. La recomposition de la gauche ne commencera qu’au lendemain des législatives mais on sent déjà poindre chez Jean-Luc Mélenchon les regrets et la tristesse. Attendre encore cinq ans. Attendre encore un quinquennat. L’opposition fatigue plus que le pouvoir ! En attendant, on vote sans consigne.

Emmanuel Macron, superstar !

Enfin, arrive sur nos écrans, après une sortie de rock star, accompagné de sa femme, Brigitte et une course poursuite à la Chirac dans les rues de Paris, traveling superbement mis en scène, le futur roi, le célébré, le recours, le gagnant, le vainqueur, le dernier rempart contre la folie nationaliste. Emmanuel Macron, 39 ans, jamais élu est en passe de devenir le huitième Président de la Vème République. La confiance en soi semblant être de mise, le marcheur auréolé nous livre un message de victoire, un message de Président élu. Accroché à son pupitre en forme de proue tricolore – piqué à François Mitterrand qui utilisait le même notamment lors de sa campagne de réélection en 1988 –, histoire de faire présidentiel, Emmanuel Macron, comme à son habitude a enchaîné les poncifs. Mais la foule est en délire et sur les plateaux ses soutiens admiratifs boivent du petit lait en écoutant leur gourou leur confirmer que la victoire est acquise et que les postes de ministres sont prêts à être distribués. C’est la victoire d’une aspiration démocrate et progressiste, d’un centrisme européen et libéral. François Bayrou en avait la larme à l’œil. Reste à savoir si c’était l’émotion de voir Emmanuel Macron qualifié et presque déjà élu ou si c’était le pincement de voir un autre réaliser le rêve qu’il chérit depuis tant d’années. Votez pour moi braves gens, de toute façon vous n’avez pas le choix face au FN ! Cécile Duflot leur rappelle à tous qu’ils n’ont fait que 24% des voix et que les électeurs voteront contre le FN et non pour le projet d’Emmanuel Macron. Mais ils ne l’écoutent pas. Ils s’en moquent de convaincre puisqu’ils sont déjà élus. Fermez le ban, rendez-vous dans cinq ans !

En attendant, il doit y en avoir un qui s’amuse aujourd’hui. Stratège dans l’âme et admiratif sûrement, François Hollande doit se réjouir. Son œuvre mollassonne et peu engageante semble être sur la bonne voie pour être reconduite. Le hollandisme teinté de macronisme, centrisme rosâtre et progressiste est en marche. D’une certaine façon François Hollande s’est hier soir presque succédé à lui-même. La victoire annoncée d’Emmanuel Macron est en réalité la victoire de François Hollande. Ainsi son œuvre ne sera pas détricotée. Emmanuel Macron sera élu par défaut, qu’importe la place est trop belle pour pinailler sur ce genre de détails. François Hollande est content, quel meilleur scénario pour son poulain que d’être face au FN ? Alors plus que quinze jours avant le sacre? Les sondages semblent très optimistes avec 68 % des personnes interrogées qui disent qu’elles voteront Macron. On les a déjà fait mentir…

Par Ghislain Graziani et Laetitia Monsacré

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