12 mai 2016
Le Mai musical florentin à l’heure contemporaine

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Comme chaque année depuis près de huit décennies, Florence ouvre les réjouissances festivalières avec son incontournable Mai musical, mêlant productions lyriques et concerts, avec les interprètes parmi les plus prestigieux d’aujourd’hui, sans négliger ceux de demain. L’édition 2016 met à l’honneur trois opéras : une Iolanta réglée par Marius Trelinski que l’on avait déjà vue au Metropolitan Opera en février 2015 – alors dans une association avec Le Château de Barbe-Bleue de Bartok –, Albert Herring de Britten et une création mondiale : Lo Specchio magicoLe Miroir magique – la veille de l’Armistice. Donné en version semi-scénique, l’ouvrage de Fabio Vacchi entend dépasser les clivages entre tradition savante et arts populaires, sinon de la rue, en invitant dans le tissu opératique les syncopes du rap de Millelemmi, tandis que le graffeur Moby Dick réalise une performance de peintures en spay, essentiellement figurative, sur une vaste toile, en direct depuis le toit de l’Opéra – que l’on peut approcher dans l’amphithéâtre à ciel ouvert qui occupe le sommet du bâtiment après l’heure et demie de la représentation.

Le rap s’invite à l’opéra

Si le procédé présente l’avantage de séduire un public souvent jeune qui manifeste son enthousiasme à l’issue de la soirée – heureusement unique –, il faut admettre que par le résumé sommaire de l’épopée humaine rassemblant, entre Dionysos de Syracuse et Oppenheimer, un échantillon de tyrans et de pasionarias de la liberté, le livret d’Aldo Nove cède à l’édification plate et verbeuse, que les effets rythmiques du narrateur au microphone ne rehaussent guère. Le reste de l’écriture musicale ne démontre pas davantage d’originalité. A la tête de l’Orchestre du Mai Musical Florentin, John Axelrod se montre plutôt à l’aise avec des fragrances que l’on croirait empruntées à Bernstein, sinon à Broadway. A l’évidence, la partition ne recherche point l’avant-garde, du moins pas celle consacrée par l’histoire, les académies ou les conservatoires, quand sa quête de modernité s’égare dans une hétérogénéité plus complaisante que réellement construite. D’un concept prometteur, on n’obtient qu’un produit décevant, défendu malgré tout par ses interprètes, où l’on peut compter quelques gosiers reconnus dans la péninsule, à l’exemple de Roberto Abbondanza en Jason, tandis que le choeur, aux interventions souvent monolithiques, ne manque pas d’impressionner. Plus installation artistique que véritable création musicale, Lo Specchio magico témoigne des intentions de renouvellement du répertoire comme de l’auditoire dans une ville ployant souvent sous la richesse de son passé. Le résultat se révèle parfois hasardeux.

Par Gilles Charlassier

Mai musical, Florence, mai-juin 2016

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