12 janvier 2014
Le journalisme des dîners en ville

gist-and-felix-marquardt

Est-ce la jalousie ou la bêtise qui pousse les Américains à régulièrement écrire sur notre pays en titrant « The fall »-la chute? C’est bien mal connaître les news-magazines outre-atlantiques que de s’en étonner, sans compter qu’en France, L’Express, le Point ou Marianne montrent bien qu’un titre racoleur est plus vendeur que « la France, état des lieux… » L’ article, écrit par une journaliste (auteur de nombreux articles fort intéressants sur la guerre en Syrie, publié début janvier dans Newsweek- désormais média exclusivement internet) débute en remontant jusqu’à l’Edit de Nantes pour comparer la fuite des cerveaux actuelle à celle, contrainte des huguenots au XVII ème siècle- les « abeilles ouvrières » de la France…  Puis, il cite un avocat français auquel Pierre Moscovici donne des envies de meurtre, l’obligeant à travailler « comme un chien pour donner de l’argent à l’Etat ». De quoi se souvenir du billet de 500 francs que Serge Gainsbourg avait brûlé en direct à la télévision, arrêtant la combustion là où l’Etat cessait de lui prendre son argent-c’est à dire quasiment à la fin…La journaliste ne connaît sans doute pas l’anecdote mais a travaillé son dossier: elle cite les chiffres du chômage, « officiellement 3 millions, officieusement 5 millions« , et donne à titre d’exemple, pour montrer la cherté de la ville le prix du lait, 4$ le litre soit presque 3 euros. Les références historiques, ses formules saignantes « Rome brûle-t’il », voilà donc que tout s’effondre devant cette grossière erreur qui rappelle les questions piège posées à Valéry Giscard d’Estaing ou NKM sur le prix d’une baguette ou du ticket de métro.

L’Ecole Alsacienne, si représentative de la France…

Ainsi Janine di Giovanni offre-t’elle le fouet pour la battre…et confirme qu’elle ignore sans doute qu’en un clic, elle aurait pu, de son bureau new-yorkais, vérifier son information-voir lien. Mais là où cela devient risible, c’est que la suite de l’article nous raconte qu’en fait, cette dame réside depuis peu à Paris, près des jardins du Luxembourg, là même où Scarlett Johnson a décidé d’emménager et trouve si difficile de marcher sur les trottoirs-voir vidéo. L’occasion pour elle de découvrir en vraie Parisienne que les couches sont ici gratuites( !), qu’à la cantine de l’Ecole Alsacienne-une école privée vraiment pas représentative où son fils est inscrit- on sert trois plats par repas, « plus du fromage » et que l’on a droit à un prof de gym gratuit deux fois par semaine pour retendre le ventre après un accouchement-ah bon?…Voilà qui est d’un intérêt capital et mérite bien de s’inquiéter pour la France, pays où l’on peut prendre des congés parentaux pour aller faire du voilier en Guadeloupe, ou encore un cameraman peut travailler cinq mois puis passe le reste de son temps à rénover une maison en Provence. Autant dire que les clichés se ramassent à la pelle dans cet article d’une dame qui paraît bien plus raconter un dîner en ville chez des parents d’élèves.  Ou bien, les dîners organisés par Félix Marquardt, auteur de Barrez-vous!, obsédé par Davos- cité là-encore pour illustrer sa démonstration- où elle a dû croiser Christophe de Margerie, l’ogresque patron de Total, un habitué et qui donne pathétiquement dans le « revival de 1981 », lorsque François Mitterrand arriva au pouvoir, période où l’on entendait dans les milieux des affaires et autres vieilles familles planquées « Ça va être la banqueroute ». Voilà en tout cas de quoi ne pas regretter que Newsweek ne coupe plus d’arbres pour éditer ce genre d’articles indigne d’une journaliste par ailleurs apparemment aguerrie et qui atteint ici un degré de ridicule heureusement risible.

Par Laetitia Monsacré

 

 

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