12 août 2013
Le Festival de Prades, sur les hauteurs de la musique


Initié au début des années cinquante par le violoncelliste catalan Pablo Casals, le festival de Prades est rapidement devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs de musique de chambre. S’il a son fonds baptismal en l’église Saint-Pierre, il n’en a pas moins essaimé depuis dans les clochers voisins.
C’est ainsi que depuis  quelques années, Michel Lethiec, le directeur artistique, a convaincu l’Abbaye Saint-Martin du Canigou d’accueillir le festival le temps d’un concert. Retraite  perchée sur un des flancs de la montagne, ce havre de solitude et de silence sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle se mérite : une ascension plutôt raide d’une bonne demi-heure à laquelle échapperont  eux qui préfèreront les secousses des navettes en quatre-quatre. Lieu sacré oblige, on y donne un répertoire exclusivement religieux, précédé d’un court moment de prière, pour lequel il eût mieux valu faire confiance en l’acoustique de la chapelle que dans les crachotements microphoniques.

Recueillement au sommet

A l’opposé du très lyrique Stabat Mater de Pergolèse, celui de Boccherini, pour quintette à deux violoncelles (le compositeur était violoncelliste) et soprano, privilégie le recueillement. La lumière tamisée de la musique se prolonge dans l’enchaînement très fluide des strophes : ici, point de numéros de bravoure pour les interprètes mais une continuité dans l’élévation spirituelle. Augmenté de l’excellent Damien Ventula, le quatuor Talich, légendaire formation tchèque quadragénaire toujours au sommet au fil de ses renouvellements successifs, affirme une sobriété en parfaite adéquation avec l’intériorité de l’œuvre – le premier violon Jan Talich est un modèle de délicatesse aussi mélodieuse que précise. Cette réserve pudique s’entend également dans le chant de Shikego Hata, très attentive au texte, dont on pourrait espérer cependant un soupçon de souplesse supplémentaire.

Brahms en verve à Saint-Michel de Cuxa
Le soir, à Saint-Michel de Cuxa, on redescend vers le profane avec un programme composé autour de la figure de Joseph Joachim, virtuose pour lequel Brahms a, entre autres, composé son Concerto pour violon. Dans son Second Trio pour piano et cordes en ut mineur, Mendelssohn déploie son art consommé des formules mélodiques qui frappent immédiatement l’auditeur, joliment mis en valeur par Jean-Claude Vanden Eynden, Mihaela Martin et Frans Helmerson. Vient ensuite Schumann et une de ses dernières œuvres, la Sonate pour violon et piano opus 121. Génie des miniatures, le compositeur allemand se montre ici au crépuscule de sa vie comme de son inspiration, ressassant jusqu’à l’obsession les mêmes idées. Accompagné au piano par Yves Henry, Gérard Poulet se signale par un archet aigrelet, même s’il convainc davantage dans la Romance de Joachim, page facile et sympathique. Le sommet de la soirée restera cependant le Quintette pour piano et cordes en fa mineur opus 35, chef-d’œuvre où Brahms démontre un sens de la forme et une verve rhapsodique consommés. Des piliers du festival qui ont derrière eux une longue carrière (Peter Frankl, Hagaï Shaham, Gil Sharon, Bruno Pasquier et Arto Noras), se retrouvent avec un plaisir évident et contagieux – l’Allegro final est absolument étourdissant. Soulignons enfin que l’abbaye, longuement rénovée,  respire désormais la blancheur retrouvée de ses pierres, magnifiée par un nouvel éclairage. L’esprit de la musique peut y rayonner désormais.
GC
Festival de Prades, du 26 juillet au 13 août 2013
http://prades-festival-casals.com/

Articles similaires