30 avril 2012
Le dissident trop voyant

Il n’y aucune chance pour que vous puissiez lire ici les propos de Chen Guangcheng. Le parti chinois ne le permettrait pas, interdisant toute rencontre avec un journaliste ou étranger, tout comme il n’autorise aucun de ses sujets de pouvoir émettre durablement une critique à son encontre, immédiatement requalifiée en « trouble à l’ordre public » . Avant même d’entrer en résistance-dissidence, Chen était déjà l’exemple même de ce que les officiels cherchent à cacher: une victime comme des millions d’autres de leur politique, un « invisible » pour reprendre un terme à la mode- qui, alors encore enfant, est devenu aveugle car mal nourri. Son histoire, c’est les Misérables de Hugo version chinoise, avec une fin plus heureuse, en tous cas une lueur: passionné de justice, ces frères vont l’instruire en lui lisant des livres de droit, lui permettant de devenir ainsi un « avocat aux pieds nus », au service de ses congénères. Contre l’administration spoliatrice et corrompue puis contre cette politique de l’enfant unique qui oblige les femmes dans les campagnes à à être stérilisé de force ou bien avorter jusqu’au neuvième mois. Cela pour respecter les quotas dont le salaire des dignitaires locaux dépendent… Autant dire des infanticides légaux dans un  pays où Chanel et Louis Vuitton ouvrent en grande pompe leur boutique avec des people français bien peu regardants sur les droits de l’homme. Pour avoir dénoncé leur violation continue, Chen a lui été arrêté en 2006 et jugé après 30 minutes de procès, avec faux témoignages à la clé. Quatre ans et demi de prison- quatre ans et demi de condamnation au silence dans ce pays où pour vendre notre TGV et autres babioles, nos politiques ont définitivement choisi de  fermer les yeux. Et tandis que le magazine Time en fait une des « 100 personnalités qui façonnent le monde »-sic-lui est torturé dans sa prison par ses codétenus avant de se retrouver à sa sortie en résidence surveillée. C’est de là qu’il a réussi à s’enfuir contre toute attente la semaine dernière pour trouver refuge à l’ambassade des Etats Unis à Pékin. Sa famille et ses amis, forcément  suspectés de l’avoir aidé, vivent depuis un enfer, le régime chinois ayant bien appris auprès de son grand frère soviétique comment faire plier un opposant. Alors, refusant de s’envoler pour les Etats Unis où il a bien compris qu’il ne sera jamais un homme libre, il résiste, crachant sang et mains tremblantes, dans l’espoir de pouvoir enfin l’être dans son pays. « I had a dream » comme disait l’autre…

LM

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