29 mars 2012
Le dernier slalom?

Le portillon de départ l’a longtemps attendu. Concentré, sûr de lui, Nicolas Sarkozy a décidé de se lancer en dernier, avec pour la première fois cette semaine, le meilleur « temps » intermédiaire. Cinq ans après 2007, le tenant du titre n’était pourtant plus le favori. Celui qui pensait dévaler la pente avec la même aise que la première fois promet donc cette fois-ce n’est pas un gag- d’être un » président différent » comme le titre Paris Match. De quoi le menacer de schizophrénie comme s’en amusent les Guignols de l’Infos…

Ainsi, en 2012, les larges portes de 2007 se révèlent-elles être des piquets rapprochés sur une piste aussi glacée que pentue. Il y a  5 ans en effet, Sarkozy en connaissait le tracé par cœur – c’est lui qui l’avait dessiné –, chaque flocon déposé par l’actualité de l’époque ne l’avait pas perturbé le moindre instant. Seule l’étonnante performance de François Bayrou l’avait en vérité un temps inquiété : car sa supposée grande rivale, Ségolène Royal, avait plusieurs fois été sur le point d’enfourcher, faisant fondre comme neige au soleil les espoirs socialistes de voir l’un des leurs obtenir une troisième médaille d’or élyséenne depuis 1962.

Le choix des skis s’est vite imposé : des Dynastar sinon rien. Sa visite d’usine, à Sallanches en décembre dernier, l’avait convaincu sur le bien-fondé du matériel made in France. Si les carres de sa paire de skis sont affûtées, Nicolas Sarkozy a en revanche longtemps hésité sur la qualité du fart à déposer sous ses spatules. Alors qu’une tempête d’idées et de concepts équivoques a sévi cet hiver, une avalanche – la conjoncture économique – menace encore à tout moment de se détacher du glacier mondialisé. Le candidat UMP a donc opté pour un revêtement assez nationaliste.

Il l’a assuré avant de fixer ses chaussures : ce sera sa dernière course. Une descente, un slalom ? Peu lui importe : une fois prêt à glisser sur la piste, Sarkozy s’est montré hargneux dès la poussée de bâtons suivant son départ.

Première porte très à droite

Cette année, le tracé est l’œuvre conjointe du MoDem, du PS, du FN et invité surprise, de Jean Luc Mélenchon. Les ouvreurs de piste – ceux qui descendent après la préparation finale mais avant les coureurs inscrits – ont déjà creusé quelques marques dans certains virages. La première porte doit ainsi être amorcée très à droite. Devant le fan-club de Marine Le Pen qui est venu extrêmement nombreux la soutenir, Sarkozy s’applique à bien la négocier à l’intérieur : la circulaire Guéant, la polémique halal, le discours de Bordeaux ont marqué les esprits, jusqu’à être rebaptisé Nicolas Le Pen par le Wall Street Journal  . Flexion, extension. L’actuel locataire de l’Elysée n’oublie pas en sortie de virage que le Parti Radical Valoisien de Jean-Louis Borloo a décidé de miser sur lui : il recentre alors ses skis et bombe brièvement le torse afin de montrer à toutes les télévisions présentes les sponsors ‘humanisme’ et ‘Europe’ figurant en filigrane sur sa combinaison.

Au premier temps intermédiaire, Sarkozy sait pertinemment qu’il est en retard tant le dossard Hollande est parti en trombe. Conscient d’être à la traîne sur la première portion de la piste, le gamin de Val-Neuilly, stratège hors-pair, avait avant même de s’élancer chercher à acculer son principal adversaire : attaquer l’entourage du sportif socialiste, rappeler qu’il ne vient pas avec le même matériel si le slalom se tient en France ou en Angleterre, vanter les fixations d’un ancien compagnon de route du concerné.

En constante position de recherche de vitesse, le skieur UMP aborde ensuite quelques hectomètres plus bas une nouvelle et longue courbe à gauche (taxation des exilés fiscaux, allégement des charges sociales pour les emplois seniors) qui semble lui permettre à nouveau d’accélérer.

Au deuxième temps intermédiaire, l’inédit se produit : deux chaînes rivales retransmettant l’événement donnent des chronos différents. Pour l’une (TNS-Sofrès), Sarkozy a rattrapé une partie de son retard mais reste derrière Hollande ; pour l’autre (IFOP), il aurait désormais de l’avance ! La prise de risque de Sarkozy, tout schuss malgré la pente, redonne des couleurs aux visages palots de l’équipe UMP, regroupée dans l’aire d’arrivée, les yeux rivés sur l’écran géant. Même l’inattendue bosse du terrorisme (attentats de Montauban et Toulouse) a été bien sautée et pourrait lui apporter encore plus de vitesse.

Poursuivant sa descente, Sarkozy a professionnellement appréhendé le gouffre du terrorisme sur la crête de Toulouse.

Alors que la grâce solaire semblait à nouveau la caresser, l’ombre inquiétante d’un nuage enveloppe alors la silhouette recroquevillée du skieur UMP. Certains commentateurs se remémorent en effet sa course précédente, techniquement parfaite, et expliquent que sa paire de skis de 2007 n’aurait peut-être pas dû être autorisée, ayant bénéficié à l’époque de réglages absolument interdits, grâce à Madame Bettencourt ou le colonel Kadhafi. Dans n’importe quel autre pays, la disqualification serait immédiate mais en France…

Chaque nouvelle porte franchie rapproche en tous cas, à une vingtaine de jours du premier tour, le tenant du titre d’un doublé redoutable et redouté. Sa maitrise de l’art de la godille pourra-t-elle lui permettre de retrouver les sommets ? Une chose est sûre : tout dérapage incontrôlé se paiera cash – à l’applaudimètre comme sur le temps final. Et cela est tout autant valable pour le dossard socialiste…

 

Par Arthur Beckoules

 

 

 

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