10 février 2012

Il y a quinze ans, le comédien Bernard Saint-Omer a découvert « Le corps de mon père », texte intimiste et méconnu du philosophe Michel Onfray, dans une émission de Bernard Pivot. «Un des plus beaux livres jamais écrit sur l’amour filial », disait le journaliste. Intrigué, Saint-Omer a couru l’acheter. Il ne s’en est jamais remis. « Bouleversé, qu’il était », dirait Beckett, tant ce bocage normand où Onfray grandit lui rappelait son Nord natal. Un texte brut et sec, comme le corps de ce père dont il est uniquement question. Pas théâtral pour un sou. Peu importe, ce texte fort, Saint-Omer le porterait à la scène. L’année dernière, le comédien également sculpteur avait invité les spectateurs dans son atelier au milieu duquel, parmi ses sculptures composées d’anciens abreuvoirs et autres outils, il disait le texte d’Onfray. Gros succès. Il le reprend aujourd’hui au Théâtre le passage vers les étoiles. Et le spectacle ne perd pas de son charme. L’atmosphère est entièrement récréée. Car la force de la mise en scène de Saint-Omer est là : pendant une heure et quart le comédien est tout le temps en action. Il fabrique un pain, soude des tiges d’acier, bricole, s’habille, se déshabille. Saint-Omer donne corps à ce récit, tour à tour narrateur, père ou fils. Et le texte, pourtant très sobre, prend vie. A l’image du style d’Onfray, ou plutôt de son non-style, le comédien joue sans effets. On dirait même qu’il ne joue pas. Comme pour rendre hommage à ce père austère et taiseux, piétiné par la rudesse du travail et des heures supplémentaires. Un père adulé par son fils. En découvrant cet écrit du philosophe, on comprend tout. L’université populaire, la haine qui l’anime souvent, le pamphlet anti-Freud aussi. Et Onfray, soudain, nous semble plus doux. Saint-Omer en tout cas, l’aura rendu sympathique…

 

Par Sarah Gandillot

Le corps de mon père, Théâtre le passage vers les étoiles, 17 cité Joly, 75011. Du lundi au mercredi

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