9 novembre 2011
L’ âme de Sophie

En une phrase, tout est dit : « La difficulté est bien sûr que je vis dans un vide que je remplis de mes rêves et de mes fantasmes ». Sophie Marceau prête ses traits, son corps, sa voix à Viktoria dans Une histoire d’âme, d’Ingmar Bergman, jusqu’au 19 novembre au Théâtre du Rond Point. Cette pièce, ou plutôt ce scénario datant de 1972, le cinéaste ne l’a jamais tourné. Il en a en revanche cédé les droits à Bénédicte Acolas – dont c’est la première mise en scène – en 2006. Pour incarner Viktoria, héroïne bergmanienne par excellence, Bénédicte Acolas a voulu Sophie Marceau. Elle qui avait ce projet chevillé au corps depuis des années a souhaité cette actrice là plus que tout. Et le spectacle est aussi l’histoire de cette rencontre entre les deux femmes. Car Marceau se fait rare au théâtre. Elle attendait LE projet qui la ferait vibrer pour regagner les planches. Elle l’a trouvé. Seule sur la petite scène de la salle Jean Tardieu, elle se tient là, si près. Sous le nez du spectateur. Viktoria, est une femme fêlée, au bord de la crise de nerfs. Et même au delà. Trop belle, trop intelligente, trop lucide sans doute, sa fantaisie bute soudainement sur l’organisation de son monde fait de conventions. Si bien qu’elle ne sait plus à quoi se raccrocher. Sur scène, Sophie monologue, à l’image de Viktoria qui – peut-être folle – soliloque. Elle s’entretient avec ce mari infidèle, se confie à sa femme de chambre et à Richard Strauss. Dans les interstices de cette logorrhée, parfois étouffante tant Viktoria digresse, Sophie Marceau suffoque, étouffe, pleure beaucoup. Dans cette petite robe de satin, elle est sublime de sensualité. Ce pourrait être une robe de soirée comme une chemise de nuit. A l’image de ce personnage qui oscille entre songe et réalité. Tout y est : une lumière délicate, une scénographie qui ne cherche pas à souligner le discours déjà très dense. Une actrice puissante qui s’est véritablement approprié le texte qu’elle scande avec intelligence, changeant de tons et de registres avec finesse, rompant la rythmique de façon surprenante. Et pourtant, quelque chose ne fonctionne pas. A la réflexion, l’explication tient peut-être à l’image que l’on a de Sophie Marceau et dont on peine à se détacher. Elle demeure, malgré ses efforts, la Vic de La Boum, et la maman cool de Lol.  Et cette dimension un peu lisse qui lui colle à la peau ne coïncide pas avec la complexité bergmanienne. C’est cruel, mais c’est ainsi.

par Sarah Gandillot

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