1 novembre 2012
L’amour mis en lettres

On le sait depuis Love letters de A.R. Gurney-actuellement joué au Lucernaire, les échanges épistolaires peuvent faire merveille au théâtre-à condition que les comédiens s’emparent de leurs personnages et les fasse vivre pleinement à travers leurs mots. Traduite par Jean Cocteau, Cher Menteur relate l’histoire d’amour à travers quarante ans de correspondance entre Bernard Shaw, dramaturge londonien adulé du XXème siècle et à l’humour décapant, avec la grande actrice anglaise Béatrice Stella Campbell- sorte de Sarah Bernhardt locale…Et pleine d’humour, elle même, n’hésitant pas à lui écrire, qu’on aurait dû lui dire quand il était petit garçon « une fois, une seule : stop! … »
Marcel Maréchal, grand comédien s’il en est et Francine Bergé parviennent au travers d’un jeu plein d’émotions, à recréer la complicité quasi fraternelle des deux amants qui se cherchent, se fuient, et jouent continuellement à un cache-cache des plus juvéniles. Entre lectures, déclarations, passion, jalousie et ironie, voilà leur intimité livrée sur scène, qui pourrait bien être la nôtre… Un amour impossible mais pas question ici de faire pleurer sur leur histoire ; s’ils convoquent eux-même les références des couples maudits comme Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult, c’est toujours avec détachement, même si le spectateur n’est pas dupe…

Le manque de l’autre

Le décor est sobre et unique mais traduit bien le paradoxe amoureux des deux personnages : une distance physique évidente et douloureuse qui contraste avec cette proximité spirituelle et intellectuelle qui fut la leur. L’échange entre les acteurs est naturel et synchronisé à la perfection, on les croirait au cœur d’une discussion qui se déroule devant nos yeux. La pièce mêle humour, engueulades, crises passionnelles du manque de l’autre, désir et regrets à l’image du texte prétexte à la pièce qu’ils répètent ensemble, le Pygmalion. Et si « l’on ne badine pas avec le théâtre » comme le dit Miss Campbell,  force est de constater avec cette jolie pièce que l’on ne badine pas non plus avec l’amour…

Par Marie Fouquet

Cher Menteur au Théâtre de La Bruyère jusqu’au 3 novembre

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