5 septembre 2014
L’amitié en musique à l’Emperi

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Les muses aiment sans doute la superstition et prennent leurs quartiers d’été dans les Bouches-du-Rhône : alors que s’éloignent les dernières hordes lyriques d’Aix-en-Provence et qu’affluent les amateurs de piano vers le Parc de Florans à La Roque d’Anthéron, la musique de chambre a rendez-vous à Salon, à la mi-temps de l’été, au tournant des mois de juillet et d’août. Sous la même direction artistique à trois têtes depuis ses débuts il y a vingt-et-un an – Eric Le Sage, Emmanuel Pahud et Paul Meyer – le festival de l’Emperi fait vibrer pendant une dizaine de jours les murs de la forteresse – la plus ancienne de Provence encore debout –  édifiée par le Saint Empire Romain Germanique – d’où son nom. Plutôt que de brillantes affiches, ici l’amitié et l’excellence se cultivent de pair. Solistes et mélomanes ne s’y trompent pas et leur fidélité renouvelée en témoigne. Placée sous le signe de l’amour, cette édition 2014, presqu’embarrassée par le choix d’un répertoire si vaste, offre un parcours au fil des mythes et des œuvres symboliques d’un sentiment qui a agité les portées depuis l’aube des temps.

Strauss en toute intimité

Et c’est avec l’ultime opéra de Richard Strauss pour emblème que l’on passe la soirée du 4 août. Mêlant la rivalité du poète Olivier et du compositeur Flamand pour la comtesse Madeleine à celle des paroles et de la musique sur une scène d’opéra, cette conversation en musique s’ouvre sur un Sextuor à cordes, que livrent Guy Braunstein, Maja Avramovic, Joaquin Riquelme Garcia, Amihai Grosz, Julian Steckel et Zvi Plesser avec une homogénéité qui le dispute à la générosité, après de délicates Mädchenblumen opus 22. Accompagné efficacement par Frank Braley, Julian Prégardien cisèle remarquablement les quatre évocations gorgées de symbolisme de ce bref cycle, et l’éclat du ténor ne ternit jamais la sensibilité de l’expression : un condensé de l’art du lied. D’une belle originalité, le Quintette à vents de Nielsen, avec un finale à variations inventif à la palette de couleurs riche et variée, répond à l’humeur imprévisible et espiègle de Till Eulenspiegel einmals anders ! opus 28, réduction pour cinq instruments que Richard Strauss a réalisée de son célèbre poème symphonique : une ouverture de concert enthousiaste où la clarinette de Paul Meyer rivalise de virtuosité gourmande avec le cor de Bruno Schneider ou le basson de Gilbert Audin.
En seconde partie de soirée, Julian Steckel et Frank Braley réservent une savoureuse Sonate pour violoncelle et piano de Richard Strauss, pleine d’une juvénile énergie sous une facture d’allure plutôt classique, avant de céder le pas au Second Quatuor pour piano et cordes de Brahms, venu se substituer avec deux jours d’avance à son alter ego straussien opus 13, différé pour cause d’aléas de transport – la musique et ses talentueux serviteurs n’échappent pas aux caprices ferroviaires ou aériens. Mais le piano inspiré d’Eric Le Sage comme le violon tout en finesse de Daishin Kashimoto – sans oublier Amihai Grosz à l’alto, ni Zvi Plesser au violoncelle – essuient sans peine tout éventuel regret avec l’inimitable baume brahmsien, d’une touchante intériorité dans l’adagio contrastant avec la fantaisie du scherzo ou l’allant du finale. Evoquons enfin les concerts de 18 heures à l’église Saint-Michel, où en ce lundi après-midi Deborah Nemtanu, violon solo de l’Orchestre de chambre de Paris, fait chanter le répertoire français –entre autres –  sur son instrument.
Gilles Charlassier
Festival Musique à l’Empéri, du 29 juillet au 8 août 2014

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