27 mars 2016
La zarzuela à l’âge baroque

zarzuela

Souvent associée à l’époque romantique, à l’heure des nationalismes européens, où les plus grands succès de ce genre idiomatique mêlant chant et scènes parlées considéré comme populaire ont vu le jour, la zarzuela, l’opéra version espagnole, prend racine dès l’âge baroque, et le double programme proposé par le Teatro de la zarzuela en ce début de printemps en offre un brillant exemple. Couplant deux ouvrages de Durón, en manière d’hommage au compositeur hispanique pour le tricentenaire de sa mort, le spectacle réglé par Gustavo Tambascio oppose une transposition moderne à une façon de reconstitution historique.

Humour et lutte des classes

Avec La Guerra de los gigantes, le metteur en scène argentin adapte le livret mythologique initial en une lutte des classes où les géants deviennent des ouvriers exploités par des divinités patronales pour l’accroissement de leurs richesses et de leurs plaisirs. La relecture ne manque pas d’humour dans la caractérisation des personnages au travers de l’artifice d’un reportage télévisé en direct du groupe industriel Jupiter Salvatierra : le début des années soixante où est resituée l’action s’autorise des clins d’oeil à notre réalité contemporaine, sans avoir pour autant besoin d’une scénographie agressive. Les tonalités des décors de Ricardo Sanchez Cuerda et des costumes de Jesus Ruiz demeurent plutôt picturales.

A la tête de la Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon souligne la richesse de la partition, d’une belle versatilité stylistique, qu’il sait accommoder le cas échéant d’emprunts extérieurs pour les besoins de l’expressivité théâtrale, à l’instar de la forge qui font entendre les harmonies de Falvetti. Les solistes se glissent dans une conception musicologique inventive, où l’on retient le quatuor allégorique – la renommée, le silence, le temps et l’immortalité – qui prend ensuite les traits de Palante, Jupiter, Minerve et Hercules – respectivement Cristina Alunno, Mercedes Arcuri, Giuseppina Bridelli et Marianna Flores.

Le sens du décor

Le contraste avec El imposible mayor en amor,le vence amor se révèle sensible, mais évite la caricature. L’ensemble s’attache certes à la restitution originelle, jusqu’aux mouvements chorégraphiques conçus par Jaime Puente, sans pour autant se confire dans la muséographie. Plus légère, voire décorative, sinon plus monochrome, l’inspiration, qui a déjà assimilé les influences italiennes, gagne ça et là à quelques retouches au fil des numéros courts qui s’enchaînent. On pourra toujours s’attacher aux personnalités vocales du plateau, où l’on pourra compter le Jupiter de Vivica Genaux, Beatriz Diaz en Amour, la Junon de Maria Jose Moreno, ou encore Danae dévolue à Ylenia Baglietto. Quoique en faveur du premier ouvrage, l’association des deux pièces ne se limite pas à un intérêt documentaire ou commémoratif, et doit se lire comme un encouragement à la redécouverte d’un répertoire encore trop méconnu, à laquelle la participation éclairée de Leonado Garcia Alarcon ne peut qu’être saluée.

Par Gilles Charlassier

La Guerra de los gigantes, El imposible mayor en amor, le vence amor, Teatro de la zarzuela, Madrid, mars 2016

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