25 juin 2012
La vie et l’antenne

La télévision gomme les tailles, pas les couleurs. Elizabeth Tchoungui est grande et noire. Camerounaise, elle a très tôt, au gré des bonheurs ou des malheurs de la carrière diplomatique de son père, été en haut, ou en bas. Son parcours dans les médias n’a été, lui, qu’une pente ascendante avec, ultime récompense, Avant Premières, l’émission culturelle sur France 2, une sorte de « Graal« , en septembre dernier. Logique pour une férue de culture, écrivant elle-même des romans et qui n’a jamais laissé son physique la rendre paresseuse. Logique mais pas évident pour cette case ô combien recherchée et pourtant tellement casse gueule en matière d’audience. Ambiance salon parisien où les égos-des invités ou pire encore,  des chroniqueurs- se font la danse du ventre à moins qu’on tombe dans la version « tête de gondole » pour vendre son livre, son film ou son dernier album. Le public a boudé, la chaîne a zapé. Retour avec celle qui a tenu la barre contre vents et marées, assise comme une reine dans un canapé d’hôtel, les cheveux bien lisses-sa crinière de lionne, les chaines lui ont demandé de la dompter il y a bien longtemps- loin du brouhaha de la rue et du monde agité des médias, pour évoquer cette année difficile et la suite, pour l’instant loin des plateaux où les places sont chères et la lumière propice à vous brûler les ailes.

Comment finissez vous cette année?

Sur les rotules. Ça a été épuisant nerveusement et physiquement. Eprouvant aussi avec beaucoup de rebondissements. Il y eu des menaces d’arrêt de l’émission à plusieurs reprises avec une épée de Damoclès au dessus de la tête de toute l’équipe mois après mois. La programmation qui change, tout comme la ligne éditoriale. C’était un peu les JO avant l’heure…épreuve marathon et saut d’obstacles voire nage coulée. J’ai tenu une saison ce qui semble être la moyenne pour cette case…

Croyez vous que la culture soit maudite à la télévision?

Je crois qu’il faut arrêter de croire qu’un magazine culturel va faire une audience incroyable. Je pense que c’est avant tout une mission du service public. Au sein des milieux cinématographiques, il y avait par exemple une vraie attente. Et je pense que nous avons abordé tous les métiers culturels avec cette idée d’éclectisme qui m’était chère…

Ne pensez vous pas que la culture est trop souvent confisquée à la télévision avec un spectateur qu’on oublie?

J’aurais aimé avoir plus de reportages pour aller vers le consommateur de culture mais je n’avais pas la main sur les choix éditoriaux. J’ai cependant une satisfaction : avoir mélangé des gens très différents comme Jean d’Ormesson ou Patrick Sébastien, deux vrais clowns tristes. J’ai également pu apporter la gastronomie dans la programmation. Maintenant , le côté germano-pratin, il est très difficile à éviter. Pour ne pas perdre de fraicheur, j’évitais en tous cas de rencontrer les invités auparavant.

Quels sont vos envies aujourd’hui?

Je continue à être une dernière « mohicane » de la culture. Là, j’ai envie de me faire plaisir et d’écrire, finir mon dernier livre. J’aspire à un travail plus personnel. De plus, grâce à l’écriture, je n’ai pas peur du vide. Maintenant, ne plus être à  l’antenne, ce serait une vraie injustice. Et nécessairement négatif pour ce que l’on appelle  la diversité, dont je suis que je le veuille ou non, une représentante.

Votre troisième roman parle de quoi?

De la bourgeoisie névrosée africaine, qui a les mêmes névroses que la française mais n’a pas, elle, recours à des psys! J’ai réalisé que c’était un vrai problème car si tu consultes en Afrique, c’est que tu es fou! Les rares psy qui tentent de s’installer n’ont aucun client car comme tout se sait dans le petit milieu bourgeois africain, il est impossible que les gens se croisent dans les salles d’attente! Ce serait répété immédiatement dans tout Yaoundé… Là, en ce moment, je suis dans la phase « puzzle » où je réunis des idées pour organiser tout cela à travers une sorte d’ « After Hours » qui raconte une nuit dans la ville.

Vous mettez beaucoup d’autobiographique dans vos romans?

Non, j’ai une vraie réserve par rapport à ma famille. Je suis en tous cas façonnée par le vécu lié à la carrière de mon père qui n’a jamais voulu faire de compromis. J’ai des principes moi même qui ne me font pas fléchir. Pour les chroniques sur Au feminin.com (reprises dans un livre publié chez Léo Scheer), elles m’ont permises de rester au contact de l’actualité, et de réagir alors que la présentation des Maternelles m’avait déconnectée de tout cela.

Vous aimeriez ne faire qu’écrire?

Avec Avant Premières, j’ai vraiment atteint ce vers quoi je tendais depuis longtemps. Si je pouvais bien vivre de ma plume, je pourrais aujourd’hui renoncer à la télévision. Il y a toujours un projet d’adaptation de mon premier roman qui traine, un documentaire que j’aimerais faire.

 

Et des vacances au Cameroun, cet été, dans une maison qu’elle a construite « de ses mains » me dit-elle. Un lieu sans doute pour avancer dans l’écriture et parler de cette culture africaine qui est la sienne et l’a ouverte avec générosité à la nôtre, les « sefran » comme on nous appelle là-bas…

 

Par Laetitia Monsacré

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