3 juin 2013
La Traviata au milieu des roses

Passage quasi obligé en cette année du bicentenaire Verdi, La Traviata fleurit abondamment dans les programmations de nos maisons d’opéra – avec un zèle presqu’excessif… Difficile il est vrai de résister au si émouvant destin de la courtisane, qui, ne l’oublions pas, fit scandale à la création à La Fenice de Venise en 1853. La « Dévoyée » mise en scène par Emmanuelle Bastet, invitée régulière de l’Angers Nantes Opéra, a elle les allures d’une poupée fragile en robe rose fuchsia qui collectionne les amants comme les chaussures – entre zalando et psychanalyse élémentaire. Cernés par des miroirs, les invités semblent à l’étroit dans le salon où Violetta étouffe. Semée des « roses de l’amour », la retraite de Bougival lui offrira un havre trop bref dont la tirera Germont, le père d’Alfredo. Plus inattendue est la fête plongée dans une pénombre peu lisible, et exagérément funèbre, tandis que l’héroïne se meurt inéluctablement au devant d’une scène vidée – l’ombre de Visconti et de Callas plane décidément invariablement depuis plus de cinquante ans sur la mort de mademoiselle Valéry. Au fond, ce spectacle bien mené se laisse voir, mais émeut de bien consensuelle manière.

Et les chanteurs se révèlent au diapason de cette vision. Ainsi Mirella Bunoaica incarne une Violetta légère et innocente, mais son indéniable potentiel théâtral ne peut faire oublier le manque de souplesse d’une voix qui devrait l’être naturellement. La raideur, on la trouve également chez l’Alfredo d’Edgaras Montvidas, ténor lithuanien qui a bien peu l’allure que l’on peut imaginer pour ce rôle. Il n’est pas jusqu’à Tassis Christoyannis qui ne déçoive, d’une autorité un peu brute, et mal graduée, en dépit d’un admirable métal vocal – sans compter un jeu un peu gauche, peu aidé il est vrai par une direction d’acteurs inaboutie. Parmi les courtisans, on relèvera la forte présence de Christoph Berry en Gaston de Letorières, ainsi que le matamore Douphol de Laurent Alvaro.

Une affaire de chef

Si l’on peut saluer les chœurs préparés par Sandrine Abello, c’est bien la baguette hautement dramatique de Roberto Rizzi Brignoli qui offre une consolation sans réserve à cette Traviata en demi-teinte. La palette expressive qu’il déploie s’avère d’une remarquable diversité, avec de belles prises de risque, magnifiées par l’acoustique plutôt sèche de la salle – comme la sonorité presque crue des vents dans la grande scène de Violetta, « E strano ». L’atmosphère se fait plus pesante dans le dernier acte, tout en évitant des lourdeurs trop appuyées. On se réjouit d’entendre l’Orchestre national des Pays de la Loire ainsi dirigé, seul protagoniste mémorable d’une production que l’on ne croit pas indispensable. Un maillon plus faible de la programmation originale et passionnante d’une maison d’opéra qui a fait redécouvrir cette année avec un succès mérité des œuvres injustement méconnues – Les Deux Veuves et La Rose blanche entre autres.

GC

La Traviata, à Nantes, du 26 mai au 2 juin 2013 ; à Angers, du 16 au 18 juin 2013.

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