23 août 2012
La sprinteuse martyre

Samiya Yusuf Omar. Son nom aurait dû rester inconnu. Sa mort aussi. Alors que les JO de Londres se sont à peine achevés-coût 14 milliards d’euros-dans une Europe économiquement exsangue avec en cérémonie finale Kate Moss ou Victoria Beckham, millionnaires en livres, pour célébrer les valeurs olympiques, cette somalienne est morte, au large de l’Italie, victime de ces « charettes de la mer »; ces bateaux fantômes où des milliers de pauvres parmi les pauvres s’entassent pour traverser les 540 km de la Méditerranée qui sépare l’Afrique de l’Europe, jouant à chaque fois à la roulette russe. Noyée, la faute à pas de chance et pas assez d’essence, dans un anonymat total dont elle ne sort aujourd’hui qu’à la faveur d’un blog de l’écrivaine italo-somalienne, Igiaba Scego, qui a rappelé que cette jeune femme de 21 ans était… une athlète olympique. Retour aux JO de Pékin en 2008, 17 août. Samiya a 17 ans; elle est au départ du 200 mètres à Pékin. Et finira bonne dernière avec ces jambes comme des coton tiges-sans doute ayant trop rarement accès aux protéines nécessaires pour avoir des muscles. Tout avait été déjà été difficile pour elle dans ce pays où la pauvreté se méle à un islamisme qui voyait d’un très mauvais oeil qu’une femme puisse être une athlète. Alors, pour trouver un entraineur digne de ce nom, elle était arrivée en Libye en septembre 2011 après s’être perdue et avoir été détenue dans le désert libyen. L’Italie et le rêve de pouvoir s’entrainer l’ont ensuite poussée à faire ce que l’écrivain Fatou Diome a merveilleusement décrit dans son livre Celle qui attendent. Vouloir fuir pour une avenir meilleur. « Elle a demandé pardon à notre mère, qui a accepté. Elle a pris le bateau et elle est morte » a expliqué son frère, Hoda. Leur père, lui, avait été tué dans la rue à Mogadiscio. Samiya, elle rêvait des JO de Londres, faire à nouveau partie de ces 10 500 athlètes qui ont pu donner le meilleur d’eux même sous les caméras du monde entier. Au lieu de cela, elle a ajouté dans l’indifférence générale son nom aux 18 000 morts qui se sont noyés sur le même trajet en vingt ans selon le blog Fortress Europe. Pierre de Coubertin avait tort: l’important n’est pas seulement de participer. En tous cas plus maintenant où l’olympisme tout comme nos sociétés n’ont plus rien à voir avec la solidarité.

Par Laetitia Monsacré

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