8 août 2016
La Roque d’Anthéron illuminée par Jan Lisieski

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Si, comme chaque été, la musique se met au vert, les circonstances ont fait fleurir un peu partout les portiques de sécurité, jusqu’à La Roque d’Anthéron, où l’incontournable Mecque du piano – depuis plus de trois décennies – a barricadé le parc de Florans pour rassurer les mélomanes. Cela n’altère pas pour autant une confiance en l’avenir et la jeunesse, ce qu’illustre Jan Lisieski, enfant prodige révélé il y a presque dix ans à l’aube de l’adolescence – et déjà invité régulier des cigales. A vingt-et-un ans, le canado-polonais, frimousse blonde et visage rayonnant, se confirme comme l’une des meilleures sensibilités de la génération montantes, et sa tournée mozartienne qui fait étape en Provence en ce soir de début août ne le démentira pas.

Un Mozart émouvant et inventif

Dès l’Allegro initial du Vingtième Concerto en ré mineur, le toucher délicat du clavier distille une poésie subtile qui éclaire avec une fraîcheur renouvelée un classique patiné par son succès. Ciselant les motifs secondaires et les contrechants comme autant de discrètes inflexions introspectives, Jan Lisieski fait palpiter une touchante réserve, magnifiée par un jeu lumineux et sans esbroufe.Très exposée, sa sonorité limpide ne s’accorde aucune des facilités pour fondre dans la masse quelque anecdotique fragilité. Sa cadence respire l’imagination et la musicalité, avant une Romance d’une sincérité captivante. Le Rondo final fait rimer virtuosité avec inventivité, l’une aussi étourdissante que l’autre, et trouve dans la direction aérée de Michiyoski Inoue, à la tête de l’Orchestra Ensemble Kanazawa une évidente complémentarité, qui fait aisément oublier une anodine mollesse inaugurale.

Une baguette dansante

Restant avec Mozart pour ce que le pianiste annonce comme son bis, l’air de concert Ch’io mi scordi di te met en avant la diction soignée de Chloé Briot, qui compense des moyens vocaux non exempts de limites, et que les ornementations conclusives révèlent parfois crûment. On appréciera l’élégance de l’accompagnement, qui, sans s’effacer, ne cherche pas à prendre l’ascendant sur la soprano, et se fait un écrin dynamique pour les affects de la partie chantée. En seconde partie de soirée, la Troisième Symphonie de Beethoven offre au chef japonais une tribune pour sa lecture ciselée, attentive au moindre détail, qu’elle s’attache à mettre en lumière, jusqu’à l’artifice peut-être. On ne pourra pour le moins que se montrer admiratif de l’excellence des pupitres – mentionnons entre autres les soli de violon, violoncelle ou basson. Le public ne boude pas son plaisir, et Michiyoshi Inoue livre en viatique deux autres avatars de sa gestuelle éminemment chorégraphique dans un frémissant Scherzo de Mendelssohn et une Valse de Takemitsu, invitant presque les étoiles à danser avec lui.

Par Gilles Charlassier

Festival de La Roque d’Anthéron, concert du 3 août 2016, jusqu’au 18 août 20

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