1 septembre 2013
La jeunesse en campagne


Festival mythique fondé par le pianiste Georges Cziffra sur un plateau granitique au nord de la Haute-Loire, le bientôt quinquagénaire festival de la Chaise-Dieu vient de s’offrir un coup de jeune avec Julien Caron, le plus jeune directeur artistique d’une manifestation de cette envergure en France. Natif d’Auvergne et bénévole pendant six étés, Julien Caron connaît sur le bout des doigts l’alchimie particulière de l’abbatiale gothique – construite par Clément VI, pape à Avignon, et où l’on peut admirer une extraordinaire Danse macabre, fresque du XVème siècle –, ses contraintes, son public.
Grâce à sa longue collaboration avec son prédécesseur Jean-Michel Mathé, désormais au festival de Besançon, le passage de témoin n’a pas trop souffert de la brièveté du délai entre sa nomination en septembre dernier, sa prise de fonction en novembre et le festival en août. « Cinquante pour cent de la programmation était déjà prête, précise de fait Julien Caron. Pour le reste, nous l’avons en partie réalisé en privilégiant les formations que nous soutenons depuis leurs débuts. C’est ainsi qu’entre les différentes propositions de Passion selon Saint-Jean que nous avions reçues, on a privilégié celle des Pygmalions, ensemble que nous avons pour ainsi dire porté sur les fonds baptismaux. D’être de la même génération que ces jeunes musiciens permet d’ailleurs un contact plus direct, ce qui peut être utile quand il s’agit de parler et de négocier les programmes. Par exemple, pour le concert des Nouveaux Caractères, j’ai demandé à ce que le Magnificat de Bach referme la seconde partie parce que cela me semblait plus cohérent. »

Versailles sur terre et Bach au ciel

Si le festival de La Chaise-Dieu a une aura nationale et internationale, il n’en reste pas moins que 60% du public vient d’Auvergne et de Rhône-Alpes. Cette logique d’ancrage régional se vérifie également avec des orchestres du cru, comme les Nouveaux Caractères, venus de Lyon. Enregistrés par William Christie et Les Arts Florissants, les Grands Motets de Mondonville témoignent du style en vigueur à la fin du règne de Louis XV – on entend ici deux des trois gravés chez Erato à la fin des années quatre-vingt-dix, In exitu Israël et Dominus Regnavit. A la solennité un peu froide que l’on ressent au disque, Sébastien d’Hérin préfère une lecture plus terrestre et favorise des textures charnues aux basses, quitte à aplanir les plans sonores ainsi que la grandeur sacrée de ce répertoire. Les chœurs font cependant bel effet aussi bien ici que dans un Magnificat de Bach paré de belles couleurs, et l’on retiendra la jolie voix d’Hjördis Thébault, d’une remarquable justesse d’expression, tandis que l’on oubliera en Alain Buet une basse usée.
Sans doute parce que l’on est d’abord dans un lieu de culte, qui se mue pendant quinze jours en salle de concert, l’oratorio du soir, comme les motets de l’après-midi, est précédé par un choral au grand orgue. Première des deux grandes Passions qui nous sont restés de Bach, celle de Saint-Jean, au diapason de l’évangile du même apôtre, privilégie le drame spirituel. Ce que Raphaël Pichon a parfaitement compris. Dès le grand chœur d’ouverture, « Herr, unser Herrcher », la basse continue palpite comme un cœur. Les ensembles sonnent avec une exceptionnelle lisibilité, sans jamais perdre de leur ampleur. Les airs, écrits pour deux instruments en duo, sont comme éclairés à la chandelle, et dans cette bouleversante économie de moyens, l’intime et le divin se trouvent reliés. On en regrette l’entracte entre les deux parties, d’autant qu’à la fin de la première, Raphaël Pichon a ajouté, selon la pratique liturgique de l’époque, un choral de Bach, O Traurigkeit BWV 404, qui fonctionne comme un pont entre les deux actes du récit. Les solistes vocaux laissent toutefois plus réservé, à l’exception de la séraphique Sabine Devieilhle, sans que cela n’altère l’émotion recueillie que l’on éprouve au sortir de ces deux heures de musique.
GC
Festival de la Chaise-Dieu, du 21 août au 2 septembre 2013.

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