11 février 2017
La haine, remix à Aulnay sous Bois

Ce qui est désormais devenu « l’affaire Théo », du nom de ce jeune d’Aulnay-sous-Bois  passé à tabac et violé par quatre policiers de la BST, la brigade spécialisé dans les quartiers sensibles crées par Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de Sarkozy en 2010, et aux méthodes parfois plus proches du far-west que du rétablissement de l’état de droit, jette une lumière crue sur une triste réalité que la patrie des droits de l’homme aimerait bien passer sous silence. D’ailleurs, si le Ministère de l’Intérieur, et de la Défense, tiennent des statistiques scrupuleuses sur les agressions subies par les forces de l’ordre, on demeure dans le flou pour les violences perpétrées par la police et la gendarmerie dans l’exercice de leurs fonctions.

Deux poids, deux mesures

Seules les plus grandes brutalités retiennent l’attention médiatique, avec presque toujours des sanctions sans commune mesure avec ce qu’un simple citoyen lambda encourrait pour les mêmes faits, sans compter la majoration qu’il subirait s’il les perpétrait à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Pour un Jean Carvalho condamné à douze ans à Lyon pour avoir tué d’une balle dans la tête Fabrice Fernandez pendant son interrogatoire, ou plus emblématiquement un Pascal Compain qui a tué à bout portant Makomé M’Bowolé pendant sa garde à vue – affaire de 1993 qui a inspiré le film La Haine de Mathieu Kassovitz – combien de sursis, voire de silence de l’institution judiciaire ? Sans compter les massacres ordonnés en haut lieu, comme à Charonne en 1962 dans la répression d’une manifestation au cœur de la guerre d’Algérie. Le préfet de police se nommait Maurice Papon, avec De Gaulle pour complice à l’Elysée.
Et bien sûr, la parole des flics, c’est à dire de l’Etat prime sur celle des victimes, souvent associées à des délinquants, qui l’auraient presque cherché. Dans son malheur, Théo a eu la chance d’avoir le soutien de la vidéosurveillance. Incontestables, les faits peuvent hélas encore être interprétés, et une déchirure de 10 centimètres dans l’anus par une matraque qui a transpercé un caleçon peut encore être qualifiée d’ « accidentelle » et non intentionnelle.

Récupération politique

Au cœur de la tempête médiatique soulevée par ce qu’il faudrait en réalité qualifier de crime – c’est ainsi que le viol est défini, avec circonstances aggravantes en réunion, et, en théorie par une personne qui a autorité sur la victime, mais l’on sait que dans ces circonstances, l’uniforme disculpe plus souvent qu’il n’accuse – l’indécence des politiques n’est pas en berne. Le Front National soutient le corps policier – normal, avec près de 60% de suffrages pour les fascistes, Marine Le Pen se montre cohérente avec ses intérêts électoraux – quand Christian Estrosi demande la plus grande sévérité à l’encontre des coupables, toujours prêt à un numéro de show politique, alors que la conception sécuritaire de ce proche de Sarkozy, est, pour partie, responsable de la méfiance accrue entre les populations et les gyrophares, et de l’augmentation des dérapages. A entendre les  soutiens politiciens à la victime, comme ceux du maire de droite d’Aulnay, lui-même ancien policier, toutes raisons d’espérer ne sont peut-être pas perdues, à condition de ne pas faire l’économie d’un changement de mœurs policières, dont les effectifs sont parfois puisés dans des racailles immatures excitées par les armes et la vengeance, avant qu’il ne soit trop tard et que notre société malade d’obésité sécuritaire ne vire à la poudrière.

Par Gilles Charlassier

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